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Move it : La face oubliée du disco de S. B. Devotion


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1977. J’ai 17 ans, une carte d’étudiant trafiquée pour entrer en discothèque et des rêves pleins les jambes. Les boîtes sont en feu, la fièvre du samedi soir monte. Et soudain, improbable mais vrai : on y danse sur du Sheila. Pas du Sheila variété, non, du disco. Du vrai. Sur la piste qui ne désemplit pas, près des baffles qui crachent un son ample et enveloppant, Love me baby, puis Singin' in the rain prennent une ampleur version boule à facettes. Une Sheila qu’on n’avait jamais entendue comme ça.


Mais aujourd’hui, zoom sur un autre titre. Moins connu, plus discret : Move it. Caché sur l’album Singin' in the rain, entre un clin d’œil à Gene Kelly et deux odes au corps en transe, il est là. Planqué. Sautillant. Et drôlement attachant. Un petit bijou qu’on n’avait pas su voir à l’époque.


Sheila sort de l’arche


Quelques mois plus tôt, Sheila cartonne avec L’Arche de Noé. Un méga-hit pour enfants sages, avec agneau et chien Framboise. La ménagère applaudit, les mômes reprennent en boucle. Et là, grand écart. Claude Carrère veut la faire entrer en discothèque. En anglais. En mini-short. Sous un faux nom. Autant dire qu’on passe du Club Dorothée à Studio 54 en deux temps trois mouvements.


L’idée de génie : balancer un titre disco sous le pseudo S.B. Devotion — S pour Sheila, B. Devotion pour les trois danseurs noirs qui l’accompagnent. Pochette dessinée, chanteuse anonyme, radios et DJ mordent. Love me baby tourne à fond, sans que personne ne sache qui chante. Jusqu’à ce que les fans reconnaissent la voix. Coup de tonnerre. Sheila, la fille du dimanche, devient disco queen. Et ça fonctionne. Love me baby grimpe. Singin' in the rain suit. Et Move it... reste dans l’ombre.


Move it, groove discret mais tenace


Pourquoi ce titre n’a-t-il jamais décollé ? Parce qu’il n’a pas été programmé en radio. Parce qu’aucun DJ ne l’a glissé entre deux Boney M. Parce que, peut-être, Move it était trop simple, pas assez flamboyant. Pourtant, son refrain fait le job, la basse chaloupe gentiment, le texte invite au lâcher-prise. Mais c’est surtout qu’entre les deux locomotives de l’album qui ont occupé le terrain, Move it est resté à la maison, en pantoufles disco.


Love me baby / Singin’ in the rain : virage à paillettes


Fort du succès de Love me baby, Carrère lance donc le premier LP disco de Sheila. Produit par son équipe habituelle déguisée en Anglais — Paul Racer, Mike Wickfield, Copperman, tout un casting de pseudonymes — l’album groove gentiment mais efficacement. Enregistré à Londres, distribué à l’international. Sur la pochette, Sheila exhibe un look qui ferait rougir Barbie : mini-pull rose, short à paillettes, bottes, foulard noué au genou, queue de cheval aérienne. Et ça passe.


On y trouve Love me baby bien sûr, mais aussi Shake me, Kiss me sweetie, I don’t need a doctor (qui sera le 3ème single), Singin’ in the rain… et Move it, planqué mais bien vivant.


Pamela Forrest, plume et fantôme du disco


Derrière cette mue disco, il y a aussi une silhouette discrète : Pamela Forrest. Jeune parolière anglaise, elle arrive avec sa plume affûtée et son oreille délicate. C’est elle qui retravaille le texte de Love me baby, initialement intitulée Touch me baby, et un poil trop torride pour le public de Sheila. Pamela écrit les autres chansons de l'album, place sa voix sur les bandes, pendant que Sheila travaille l’accent à coups de répétitions intensives. Forrest sera bien créditée, mais pas à la hauteur de son rôle, car sans elle, Love me baby puis Move it n’auraient probablement jamais trouvé cette crédibilité disco entre innocence dansante et sensualité soft.


Pas encore Chic, mais déjà disco


L’album Love me baby / Singin’ in the rain n’a pas la classe absolue de King of the world, produit par Chic trois ans plus tard. Mais il ouvre la voie. Il groove, il cherche la lumière, et il la trouve parfois. Sheila apprend sur le tas : le chant en anglais, la gestuelle disco, les tournées promo à l’étranger. Elle en bave, mais elle s’éclate. Et surtout, elle se transforme.


2006 : Move it ressort de l’ombre


Et puis, presque trente ans plus tard, surprise. Move it revient. Pas dans une compile remixée, non. Sur scène, au Cabaret Sauvage. En guitare-voix. Une version nue, sans paillettes. Sheila la joue sobre, presque acoustique. Elle offre enfin sa chance à ce petit oublié de l’album. Pas comme un tube à dépoussiérer, mais comme une reconnaissance. Une sorte de « pardon, je t’avais mis de côté ».


En résumé : Move it, c’est un secret à faire tourner


Du disco français mais pas ringard. Une chanteuse qui ose sortir du cadre. Une énergie pure, loin de tout sérieux conventionnel. Une carrière française qui lorgne vers l’international sans perdre sa légèreté et cette étincelle de malice.


Alors, sortez les paillettes, les bottes roses et le foulard noué : posez Move it sur la platine, et laissez Sheila vous embarquer dans son monde disco improbable. Vous verrez : elle sait vraiment bouger, cette fille.

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1 commentaire

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Ringard Willycat
03 août

Je fais tourner aussi des Trinita autre nom des B devotion

https://radioringardwillycat.blogspot.com/

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