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France Gall – Les quatre éléments : quand la pop flirte avec l’alchimie

Dernière mise à jour : il y a 3 jours



1969 : pendant que les hippies dansent pieds nus à Woodstock, France Gall, elle, envoie valser les conventions avec une chanson bien étrange et envoûtante : Les quatre éléments. Ni chansonnette acidulée ni protest song revendicative, ce titre un peu oublié, niché dans le deuxième EP qu’elle sort chez La Compagnie, se présente comme une traversée au cœur des forces de la nature… et du tumulte amoureux.


Du vent, de la terre, de l’eau, du feu… et un cœur brisé


Le texte, signé par Patrice Gall, a quelque chose d’à la fois mystique et intime. Une femme – ou peut-être une entité ? – se cache dans les éléments. Le vent caresse, la terre blesse, l’eau pleure, le feu brûle. Et dans chacun de ces éléments, une trace de sa présence.


« Y vois-tu ma larme salée qui s'y est glissée ? »

« Y vois-tu le bout de ma cigarette qui scintille ? »


Exit la candeur pop, bonjour le symbolisme un peu allumé. Certains y verront un parcours initiatique, une métaphore alchimique de la perte de l’autre et de la dépossession de soi. D'autres, plus terre à terre, entendront juste une belle balade sur fond de rupture douloureuse.


Une mélodie à la hauteur du mystère


Musicalement, Les quatre éléments bénéficie d’un écrin à sa mesure. L’orchestration, signée José Bartel, est à la fois feutrée et ample, presque cinématographique. Un choix logique quand on sait que Bartel, avant d’officier ici en tant que directeur artistique chez La Compagnie, a prêté sa voix à Nino Castelnuovo dans Les Parapluies de Cherbourg. Il sait donner du souffle et du drame à la mélodie sans sombrer dans le pathos.


Une pochette et un EP qui en disent long


Le morceau figure sur un 45 tours intitulé Les Années folles, second simple de France Gall chez La Compagnie. Et rien que la pochette, signée Gilbert Nencioli, annonce la couleur : France, casquette vissée sur le crâne, tourne définitivement le dos aux tenues sage-fille-des-sixties. On sent un désir de mue, d’affirmation, de passage à l’âge adulte.


Et ça se ressent dans tout l’EP :

  • Les années folles, pastiche joyeux signé Boris Bergman (futur complice de Bashung) et Barbara Ruskin, est une plongée dans les années 20, souvenirs d’une vieille dame.

  • Soleil au cœur, sorte de mantra hippie écrit par papa Robert Gall lui-même, convoque l’astre solaire pour réchauffer les esprits – bottes et robes longues en option.

  • Et La manille et la révolution, western mexicain halluciné, convoque tequila, ponchos et canons pour une baston musicale à la sauce comédie musicale.


Bref, un disque éclectique, parfois foutraque, où Les quatre éléments fait figure d’OVNI poétique.


Une période d’errance, mais pas sans pépites


Ce qui rend cette chanson encore plus touchante, c’est qu’elle surgit à un moment où France Gall traverse une période de flou artistique. Après avoir quitté Philips, elle rejoint La Compagnie, un label indépendant un peu bancal où elle tente de réinventer sa carrière. Les tubes ne sont plus au rendez-vous, la presse la boude, le public ne suit plus trop.


Mais à défaut de cartonner dans les charts, elle expérimente. Elle prend des risques. Et Les quatre éléments en est la preuve. C’est aussi l’un des rares titres entièrement écrits et composés par Patrice Gall, frère ainé de France, et artiste discret mais touchant. À cette époque, lui aussi rejoint le label La Compagnie et y sort un EP intitulé Je vous embrase (oui, avec un seul "s").


Une redécouverte tardive mais méritée


Comme beaucoup de pépites de cette époque un peu maudite, Les quatre éléments reste dans l’ombre. Il faut attendre la compilation regroupant ses années La Compagnie, l’album France Gall  (également connu sous les titres Ses grands succès ou Les années folles / Homme tout petit) pour redécouvrir entre autres ce titre.


Et pour qui prend la peine de s’y attarder, c’est un petit plaisir : France Gall y est poétique, presque envoûtante. Et la mélodie a quelque chose de particulier et d’original qui marque.


Alors, si vous ne connaissez pas Les quatre éléments, venez l’écouter. Et laissez le vent, la terre, l’eau et le feu vous murmurer à l’oreille… la voix magnétique de France Gall.


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