À votre avis – France Gall, la face B qui dit tout
- L'Agent Secret des Chansons

- 14 sept.
- 3 min de lecture

Publiée en octobre 1974, À votre avis fait partie de ces petites pièces de puzzle qui racontent mieux une artiste que certains tubes XXL. Ce n’est pas un hasard si France Gall elle-même disait : « C’est du pur Michel Berger des débuts. J’adore le climat de cette chanson. C’est ma vie qui défile là, sur la face B de Mais, aime-la. »
1974 : Nouvelle coupe, nouvelle vie
En 1974, France Gall raccourcit ses cheveux comme pour annoncer à la France entière : « Rangez vos baby dolls, on passe à autre chose. » Et effectivement, ça bascule. Elle vient de rencontrer Michel Berger, futur compagnon et pygmalion musical. Ils ont sorti un premier single La déclaration d’amour. Mais avant les Si maman si et les salles pleines, il y a cette drôle d’étape entre rêve californien, projet bancal et 45 tours miraculeux.
Angelina Dumas : l’opéra-rock, prémices de Starmania
Direction Los Angeles, été 74. Berger et Gall veulent monter une comédie musicale inspirée par l’affaire Patricia Hearst, l’héritière enlevée par un groupuscule révolutionnaire. Sur le papier, ça devait s’appeler Angelina Dumas. Sur scène, ça aurait pu être du rock à grand spectacle.
Sauf que… France Gall avouera plus tard : « Michel avait écrit le tout de façon beaucoup trop romantique. » Résultat : Patricia Hearst version Barbara Cartland. Autant dire que Hair pouvait dormir tranquille.
Projet enterré ? Pas totalement. Des chansons sont enregistrées aux Morgan Studios de Londres, fief du futur album de Berger Que l’amour est bizarre. Deux duos Gall/Berger (À qui donner ce que j’ai ? et Au revoir Angelina) resteront au frigo jusqu’en 1994. D’autres morceaux, eux, se glissent discrètement sur 45 tours. C’est là qu’apparaît notre disque du jour.
Mais, aime-la : la face A qui groove
Arrêtons-nous une seconde sur la face A. Mais, aime-la est enregistrée à Londres avec une équipe de musiciens britanniques au pedigree lourd. À la basse, un certain Herbie Flowers, coupable de la ligne mythique de Walk on the Wild Side de Lou Reed. Pas mal comme CV.
Gall jubile : « Elle balance rythmiquement et fera patienter mes fans jusqu’à l’opus qu’il a promis de m’écrire. » Et c’est vrai : le piano bondit, le rythme claque, et le texte prodigue ses conseils amoureux comme une grande sœur ferme mais bienveillante.
En 1978 et en 1994, Gall la reprendra sur scène, preuve que ce n’était pas juste un single jetable. Et un autre trésor se planque de l’autre côté du sillon.
À votre avis : quand Gall appelle ses doutes
La face B, À votre avis, sonne comme une confession chuchotée à l’oreille. Gall y pose ses doutes à voix haute : « Je téléphone à une amie / Pour qu’elle se penche sur ma vie / Est-ce que je l’aime / À son avis ? »
L’incertitude, l’amour qui commence à peine, la peur de perdre pied. France Gall reconnaîtra : « Michel était quelqu’un que je connaissais encore peu mais qui se mettait à raconter ma vie. »
On touche ici à la frontière fascinante entre vie privée et création. Pas de fiction, pas de façade : juste une chanteuse qui se laisse mettre en musique par celui qu’elle apprend à aimer.
Vibrato hésitant, minimalisme efficace
Musicalement, l’arrangement de Michel Bernholc est dépouillé, presque timide, comme pour laisser toute la place à ce vibrato un peu tremblant. Ce n’est pas du hasard : cette fragilité colle parfaitement au propos.
Là où Mais, aime-la clame des vérités universelles, À votre avis reste à hauteur de carnet intime. On est dans la marge, dans le doute, et c’est précisément ce qui rend la chanson précieuse.
Angelina Dumas, les fantômes du placard
Les autres chansons rescapées d’Angelina Dumas n’ont pas toutes fini au rebut. En 2024, Warner retrouve une bande poussiéreuse griffonnée « The Prisoner ». Miracle : un inédit de Gall et Berger intitulé La prisonnière. On y entend déjà l’envie de grand opéra-rock.
Et puis il y a Ne l’attends plus, où Gall double la voix de Berger façon écho céleste. Ce n’est pas encore Starmania, mais la mèche est allumée. Plus tard, Berger contactera Plamondon, qui saura traduire la violence qu'il cherche à exprimer.
Conclusion : l’avant-propos d’un mythe
À votre avis a cette sincérité brute qui capture un instant fragile, une histoire d’amour en train de s’écrire. Trois minutes où tout Berger/Gall est déjà en germe : l’intime, la vérité nue, et ce petit frisson de vie qu’aucun arrangement ne maquille.
Alors, est-ce qu’elle l’aimait, à votre avis ? Pas besoin d’oracle : l’histoire qui suivra a largement répondu à la question.




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