France Gall et Les gens bien élevés : un bijou mordant
- L'Agent Secret des Chansons
- 16 févr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours

En 1969, France Gall sort Les gens bien élevés, une chanson qui s’amuse à déconstruire les convenances bourgeoises avec un malin plaisir. L’astuce ? Des paroles volontairement édulcorées par des percussions qui remplacent des termes un peu trop salés.
Juron ou pas juron ? C’est à l’auditeur de combler les blancs. Une astuce issue de la tradition de la chanson humoristique du début du XXe siècle (Ouvre la f'nêtre et La fôlatrerie en sont des exemples). France Gall se moque ici des hypocrites qui affichent de belles manières tout en s’assassinant en coulisses.
Personnellement, je l'ai découverte dans les années 80 sur la réédition de son album de l'époque (qui était d'ailleurs ressorti avec une photo trompeuse car récente, voir plus bas), et elle m'a toujours semblé bizarre et provocante (voire polissonne) par rapport la France Gall qu’on connaissait alors, mais avec une voix et une orchestration qui la rendait malgré intéressante...
Une période délicate et un label à la peine
Sortie sur le label La Compagnie, la chanson fait partie d'une période compliquée pour France Gall. Après des années de succès chez Philips, elle quitte la major pour signer chez ce label indépendant dirigé par Norbert Saada, avec l’espoir de relancer sa carrière hexagonale. Malheureusement, La Compagnie peine à s’imposer, et les chansons de France Gall, où le meilleur côtoie souvent le pire, passent à côté du grand public. Et sans qu'elle réussisse à trouver un style cohérent.
Sa traversée du désert commence alors. Dans une interview accordée à Platine Magazine en 1996, elle confiera :
« Qu’est-ce que je n'étais pas bien ! …Galère, c'est le mot ! Hallucinant. »
Sur ce premier 45 tours sorti sur le label, on trouve pêle-mêle la version française de L’orage (La pioggia) popularisée par Gigliola Cinquetti, que les deux chanteuses durent aller défendre sur scène au Festival de San Remo, le titre principal du disque Homme tout petit qui rappelle les rythmes Schlager sans subtilité de ses chansons allemandes, et enfin L’hiver est mort, qui est une jolie composition familiale de son frère et de son père, mais qui passe également inaperçue.
Un tandem gagnant aux manettes
Malgré l'échec commercial du disque, il faut noter que Les Gens bien élevés bénéficie d'une composition de choix. Hubert Giraud signe la musique, tandis que Frank Gérald – auteur de La Poupée qui fait non pour Polnareff et Le Premier bonheur du jour pour Françoise Hardy – pose des paroles pleines de verve et de dérision.
L'orchestration est confiée à Michel Colombier, qui avait déjà travaillé avec elle sur Dady da da. Le résultat est une chanson qui ne ressemble à rien d'autre dans son répertoire : mordante, légère et savoureuse.
Une chanson redécouverte et adoptée
Longtemps restée confidentielle, Les Gens bien élevés a fini par trouver une seconde vie. Dans les années 2010, la comédienne Alka Balbir l'a remise en lumière, lui conférant un petit statut culte. Depuis, elle est régulièrement écoutée sur les réseaux et considérée comme une curiosité amusante du répertoire de France Gall.
Cette chanson rappelle que la chanteuse savait manier plus d’une corde à son arc et prouve également que, même dans les moments de doute, elle était capable d’oser et d’expérimenter. Après tout, on les ... !

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