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Candi Staton – Nights on Broadway : l’incroyable voyage d’un hit disco


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Bienvenue dans le nouvel épisode de notre grande saga d'été sur les chansons disco qui claquent, transpirent et, parfois, pleurent. Aujourd’hui, direction les coulisses brillantes d’une reprise qui n’avait pas vocation à être culte, mais qui l’est devenue à coups de synthés, de strass et de cordes : Nights on Broadway par Candi Staton.

On parle bien de cette chanson des Bee Gees, celle qui a déclenché chez Barry Gibb une révélation vocale qui allait faire de lui l’oiseau rare du falsetto. Mais avant de vous raconter comment Candi s’est approprié ce tube à paillettes, petit retour dans le rétro…


Chapitre 1 : Les Bee Gees et la nuit new-yorkaise


Nous sommes en janvier 1975, et les Bee Gees en ont marre de se faire snober par les radios. Ils décident de changer de recette. Et ils ont une idée lumineuse : partir à Miami et faire appel à Arif Mardin, producteur turco-américain, génie discret, qui leur sort les tripes à coups de "vous pouvez hurler un peu, les gars ?"


Résultat : Nights on Broadway, deux minutes cinquante-deux de groove urbain, de montées de tension et de hurlements harmonisés qui vont changer la trajectoire du groupe. C’est en enregistrant ce titre que Barry découvre, sur une requête hasardeuse, qu’il sait faire du falsetto. Et pas qu’un peu. Il pousse un cri, il le tient en note, Arif fait un signe de tête, et là, les Bee Gees viennent d’inventer leur futur.


Ce titre sort en single aux USA (numéro 7 du Billboard) mais curieusement, jamais en Grande-Bretagne. Un oubli que Candi Staton va rectifier de manière spectaculaire.


Chapitre 2 : Candi, gospel, sueur et coups de foudre


Mais avant de dérouler la moquette rouge à Candi, parlons de cette dame. Née Canzetta Maria Staton en Alabama (oui, c’est très soul dès le berceau), Candi fait ses gammes chez les gospelliennes, tourne avec Mahalia Jackson et les Soul Stirrers, puis bifurque vers la soul en 1968, poussée par son mari Clarence Carter.


Rick Hall, patron des studios FAME de Muscle Shoals, flaire la diva : pendant six ans, il la bichonne et produit une série de disques réputés à présent chez les collectionneurs de vinyles. Candi devient la First Lady of Southern Soul, un titre honorifique qui sent la sueur, le cuir et la dignité.


Mais voilà, en 1974, la soul sudiste commence à se faire déborder par les montées acides du disco. Et la vie personnelle de Candi vire au film noir : elle quitte Carter, tombe sur Jimmy James, un homme violent, abusif, qui l’isole et la menace. C’est dans cet enfer domestique que naît le bijou Young Hearts Run Free, produit par David Crawford.


Candi lui déverse ses peines, ses pleurs, et Crawford lui pond un texte haché menu sur une mélodie dansante : "Mille fois par jour je me dis que je vais partir...". Boom. Le disco se met à parler de violence conjugale, et ça cartonne. Numéro 1 des charts soul, top 20 Billboard, top 2 UK.


Chapitre 3 : Broadway revisited, version paillettes et claviers


Nous voilà en 1977. Le disco a envahi les ondes, les patins à roulettes crissent sur les parquets cirés, Barry White murmure à l’oreille des plantes, et Candi Staton est bien décidée à surfer sur la vague.


A la suite de Young Hearts Run Free, elle enregistre Music Speaks Louder Than Words, un album disco-funk qui commence fort : en track 1, cette reprise de Nights on Broadway. Et là, miracle. Ce qui aurait pu être un massacre est une métamorphose.

Oublié le groove fiévreux de 1975 : place à une version ultra-dansante, gonflée aux cordes et aux synthés, avec un tempo accéléré, un pont supprimé, des cuivres qui débarquent comme des taxis sur Times Square. Et surtout, un changement d'angle : là où Barry chantait l'obsession d’un amour non partagé dans l’ombre d’un Broadway nocturne, Candi insuffle une énergie d’émancipation, presque guerrière.


Les paroles résonnent autrement dans sa voix : "I have to follow you / Though you did not want me to" devient un cri d’insistance féminine, un pied de nez à l’effacement. Et ce "Blaming it all on the nights on Broadway" n’est plus une excuse — c’est un exutoire. Elle ne subit plus la nuit, elle la traverse en hurlant sa vérité.


Le single n'est pas sorti en France, mais monte jusqu’à la 6ème place des charts UK. Et à la quatrième place en Irlande, où apparemment, on sait danser (sous la pluie).

Chapitre 4 : Ça court, ça court, les jeunes cœurs


Si Nights on Broadway est un pic inattendu, le vrai sommet de Candi restera Young Hearts Run Free. Rarement une chanson disco aura autant donné envie de danser en pleurant dans un miroir. Et son autre single de la même veine, Victim, enfonce le clou : la basse claque, les violons grincent, Candi chante la douleur comme Aretha un soir de rupture.


Et puis, elle fait un virage à 180° et retourne à ses premières amours : le gospel. Mais pas avant d’avoir lâché quelques tubes, dont un certain You Got the Love avec The Source (vous l’avez sûr entendu dans une pub ou à un mariage).


Chapitre 5 : Pourquoi Candi ?


Parce qu’elle est le chaînon manquant entre l'église et le dancefloor. Elle n'a pas eu la carrière planétaire d’une Donna Summer, ni les tubes emblématiques d’une Gloria Gaynor. Mais elle a offert au disco ses morceaux les plus poignants, les plus humains. Et Nights on Broadway ? C’est la preuve que le disco pouvait être un territoire d’expression féminine puissante, capable de s’approprier un hit masculin et d’en faire une ode au désir, au refus, à la nuit, au droit d’exister.


Alors oui, elle n’a pas hurlé comme Barry, mais elle a chanté et dansé pour survivre. Et c’est peut-être encore plus fort.

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