Come Tonight - Gloria Gaynor : la face B qui annonce la première diva
- L'Agent Secret des Chansons

- 21 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 juil.

Bon, asseyez-vous confortablement, on va continuer à parler disco, mais pas celui qui s’est incrusté dans toutes les compiles vendues chez Carrefour. Non. On va parler d’une chanson que personne ne connaît sauf les DJ insomniaques, les collectionneurs de vinyles et moi : Come Tonight de Gloria Gaynor.
Et pourtant, cette petite face B, coincée en 1974 derrière le single Honey Bee (qui lui-même était plus connu des abeilles que du public à l’époque), raconte à sa manière une histoire bien plus grande : celle de la première diva disco de l’histoire, avant que Never Can Say Goodbye ne la propulse en haut des podiums la même année et que I Will Survive ne devienne en 1978 l’hymne mondial des déceptions amoureuses à paillettes.
Mais revenons à Come Tonight. Le morceau débute sur une scène digne d’un téléfilm sentimental diffusé un mardi soir sur Antenne 2 :
"You know I love you darling, and I know that you love me, so why can’t we get together like it’s supposed to be? "
Et là, boum. Entrée de cordes légères, claviers faussement timides, groove discret et réverb d’hôtel de luxe. C'est un peu comme si Barry White et Isaac Hayes avaient organisé une soirée entre amis et avaient laissé Gloria aux commandes des platines. Le tempo est lent, mais pas mou. Sensuel, mais pas kitsch. En fait si, très kitsch. Et c'est justement pour ça qu'on l'adore.
La chanson a été écrite par Casey Spencer, un ancien membre des Jive Five (oui, le groupe derrière I’m a Happy Man, un des tubes soul les plus contents de vivre). Et arrangée par Meco Monardo, qui plus tard s'amusera à transformer la musique de Star Wars en symphonie disco galactique. On n’était pas encore à l’époque des sabres laser funky, mais ça mijotait.
À ce moment-là, Gloria Gaynor n'est encore qu'une outsider. Avant d'être propulsée reine de la boule à facettes, elle a été la voix du groupe The Soul Satisfiers dans les années 60. Puis elle traîne dans les studios, enregistre ici et là, jusqu'à ce qu'un certain Clive Davis la repère et la signe chez Columbia en 1973.
Là-dessus, arrive Honey Bee. Premier essai disco, pas encore la ruée vers l’or, mais une mise en bouche prometteuse. Et en face B, Come Tonight, ce disco-slow gorgé de groove où Gloria murmure à ton oreille qu’elle a mis le vin blanc au frais et qu'elle t'attend avec impatience.
Quelques mois plus tard, le monde bascule. Never Can Say Goodbye, cette reprise musclée des Jackson 5, sort de sa chrysalide Motown et explose en un hymne à la gloire du tempo 4/4. Ce sera le premier n°1 du tout nouveau Top Disco américain, qui reconnaît donc officiellement le disco comme un registre musical à part entière. Et quand sort le premier LP de la chanteuse, le morceau sera inclus dans un medley sans interruption (Honey B + Never can say goodbye + Reach out I’ll be there), mixé par le grand Tom Moulton, architecte du maxi 45-tours et bienfaiteur des jambes fatiguées du samedi soir.
Mais tout ce raffut n’aurait jamais été possible sans les petits pas précoces de Come Tonight. C'est une des chansons qui prépare le terrain, qui annonce que quelque chose est en train de changer. On y entend déjà la structure disco : la basse ronde, les arrangements de cordes, les backing vocals velours, et la voix de Gloria, puissante mais jamais brutale.
Il faut rappeler qu’en 1974, le disco est une affaire de clubs, de sous-sols moites, de DJs qui cherchent des morceaux longs pour pouvoir aller aux toilettes tranquille. Gloria, avec sa présence vocale et son assurance émotionnelle, devient la première grande voix à épouser ce format.
Et puis, il faut voir le contexte : à ce moment, Donna Summer est encore en train d'apprendre l'allemand chez Giorgio Moroder, Diana Ross hésite entre jazz et showbiz, et personne n’ose encore vraiment parler de "diva disco". Gloria arrive donc la première sur la ligne de départ, en combinaison lamée, et balance Never Can Say Goodbye comme une déclaration de guerre au silence.
Mais avant la guerre, il y a eu le flirt. Et Come Tonight, c’est ça : le moment où on allume les bougies, où on baisse les rideaux et où le disco ne veut pas encore conquérir le monde, juste un cœur.
Ce n’est qu’en 2010, avec la réédition de l’album Never Can Say Goodbye, que cette petite pépite sort enfin de l’ombre. Elle y est rajoutée en bonus track, preuve qu’elle n’était pas censée briller mais qu’elle a quand même laissé une trace.
Alors la prochaine fois que vous voulez impressionner un ou une fan de disco, sortez Come Tonight de votre chapeau. Laissez tomber I Will Survive, trop attendu. Balancez ce petit bijou confidentiel, comme un secret bien gardé. Et savourez.



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