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Beast of Burden - Bette Midler, la bête de scène qui dompte la bête de somme



Quand Bette Midler s’attaque à un classique des Rolling Stones, mieux vaut s’attendre à ce que ça décoiffe. Avec sa reprise de Beast of Burden sur l’album No Frills, la flamboyante diva prouve qu’elle peut, sans rien perdre de son panache, jouer dans la cour des grands du rock. Retour sur une reprise audacieuse, un clip culte et un album qui sent bon l’émancipation musicale.


La Bette de cabaret devenue rockeuse


Pour mesurer l’audace de Midler en 1983, il faut se rappeler d’où elle vient. Depuis ses débuts, le personnage de la "Divine Miss M" s’est imposée entre cabaret, performances scéniques décoiffantes et variété soignée. Mais en 1979, tout bascule avec The Rose, où elle incarne une chanteuse de rock, inspirée de Janis Joplin. Sa voix rauque et son intensité bouleversent : on découvre une autre Bette.


En 1983, elle pousse l’aventure plus loin avec No Frills. Fini les paillettes, place à une pop-rock plus directe, parfois teintée de new wave. L’album, comme son titre l’indique, va à l’essentiel. Midler y prend tous les risques, notamment en revisitant Beast of Burden, un titre emblématique des Stones.


Un clin d’œil ironique à la masculinité des Stones


La chanson des Stones, sortie en 1978 sur Some Girls, est un moment de tendresse plaintive au sein d’un album plus brut (si on exclut le disco Miss You). Jagger y incarne l’homme lassé de devoir prouver qu’il est assez fort, riche, viril pour sa partenaire. Il demande simplement de l’amour, sans conditions. C’est un peu le blues de l’amant fatigué, qui ne veut plus porter la charrette.


Bette Midler, elle, ne change pas simplement le genre du texte. Elle en souligne l’humour et la tension. Avec une interprétation plus rock et pleine d’assurance, elle renverse les rôles. C’est comme si elle disait à Mick : « Tu veux qu’on parle fatigue, exigence et disponibilité sexuelle ? Bienvenue dans ma vie de femme ».


Elle modifie même quelques paroles. Le "pretty, pretty girls" devient "my little sister is a pretty, pretty girl", ouvrant sur une critique sociale nette : les femmes jetées après usage. Le message est clair : elle ne sera la bête de somme de personne.


Un clip (et un duel) avec Mick Jagger


Et puis il y a cette vidéo. Ah, cette vidéo. Un sommet de second degré, un duel burlesque entre Midler et Jagger qui débute dans une loge de théâtre (en fait le night-club Peppermint Lounge). Bette y toise Mick, lançant la fameuse réplique : « Just stay long enough to hear me sing your song; I sing it better than anybody ». Ce à quoi Mick, faussement vexé, répond : « Well… almost anybody ».


Sur scène, les deux cabotinent, s’affrontent à coups de regards incendiaires, de gestes outrés. C’est du théâtre musical, la tension sexuelle est palpable mais volontairement exagérée. Et quand la crème chantilly vole dans les airs pour finir sur leurs visages, le message est limpide : ici, on se prend au sérieux sans jamais se prendre au sérieux.


Le clip, diffusé aux tous débuts de MTV, est même nommé à trois MTV Video Music Awards en 1984 (première édition présentée par Dan Aykroyd et Bette elle-même en verve olympique). Preuve que Bette, à sa manière, avait compris l’air du temps.



L’album No Frills, un virage salutaire


No Frills ne fait pas un tabac aux États-Unis (il plafonne à une décevante 60e place du classement), mais Midler, avec son énergie brute et son audace connaît un joli succès en Europe : numéro 1 en Suède, top 10 aux Pays-Bas, en Norvège, en Allemagne… Mais silence radio en France.


Bette avait adoré enregistrer cet album. Comme elle le disait : "I haven't stop laughing since I started making this record, because the people I'm working with are fabulous, funny, silly...". L’album ne se limite pas à Beast of Burden. On y trouve aussi la ballade All I Need to Know en laquelle Bette croyait beaucoup (et qui fut un hit pour Linda Ronstadt en 89 sous le titre Don't know much), une reprise rock et pétillante de Favorite Waste of Time, et Only in Miami, une touche latino ensoleillée. Mais c’est bien Beast of Burden qui devient son étendard.


Et dire que ce n’était pas son premier choix : elle rêvait de reprendre Pink Cadillac de Bruce Springsteen. Bruce a refusé, arguant que sa chanson devait être chantée par un homme... Dommage pour lui, tant mieux pour nous. Elle la chantera tout de même en ouverture de son show TV Art or Bust.


Conclusion : quand Bette dompte la bête


Avec Beast of Burden, Bette Midler réussit un tour de force : rendre hommage aux Rolling Stones tout en réinventant complètement leur chanson. Sa version est à la fois respectueuse et impertinente, fidèle et totalement personnelle. Dans un monde rock dominé par des figures masculines, elle impose son style, sa voix, son humour.


Quarante ans plus tard, cette reprise reste l’un de ses moments les plus réjouissants, preuve que Bette Midler n’a jamais été une simple bête de somme du show-business, mais bien une artiste libre, imprévisible, et follement attachante.








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