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Avant la bagarre – France Gall change de ton



Février 1968. La France est sur le point d’entrer en ébullition, et France Gall, elle, nous prévient : Avant la bagarre, réfléchis bien ! Sortie sur l’album 1968, cette chanson, unique inédite du disque, s’impose comme une petite anomalie dans le répertoire de la chanteuse. Plus mature, plus affirmée, la chanteuse s’émancipe peu à peu de l’image de jeune fille modèle qui lui colle à la peau, malgré certains textes de Gainsbourg qu’elle a déjà chantés. Retour sur une chanson à part dans son parcours.


Un inédit au sein d’un album hybride


Avant la bagarre a la particularité d’être le seul inédit de l’album 1968. Ce disque, souvent vu comme une transition dans la carrière de France Gall, compile des titres enregistrés l’année précédente et marque la fin d’une époque. À l’image de sa pochette où la chanteuse apparaît comme une prêtresse hippie dans la fumée, l’album semble hésiter entre le yéyé classique et quelque chose de plus expérimental.


Et puis, il faut dire que ce disque arrive dans une période charnière. Serge Gainsbourg, qui a façonné une partie du son de France Gall, est de moins en moins présent (malgré deux morceaux sur cet album, le sulfureux Teenie Weenie Boppie et le mineur Nefertiti). L’arrivée d’un nouvel arrangeur (David Whitaker) sur certains titres aux orchestrations plus aériennes, donne une couleur différente à l’ensemble. Entre un hommage appuyé à la pop psychédélique anglaise (Chanson Indienne), un jazz sucré (Les yeux bleus) et des morceaux plus classiques, 1968 est un disque parfois inégal, mais toujours surprenant.


Dans ce contexte, Avant la bagarre fait figure d’exception. Écrit par Ralph Bernet, prolifique parolier notamment pour Johnny Hallyday, et composé par Guy Magenta, ce titre prend la place de Polichinelle, jugé sans doute trop enfantin. Il aurait pourtant été plus logique de supprimer La petite, un duo avec Maurice Biraud qui n’a pas bien vieilli. Ironie du sort, Magenta ne verra pas la sortie de l’album, ayant perdu la vie dans un accident de voiture fin 1967.


Une histoire de jalousie qui tourne mal


Avant la bagarre raconte une scène de jalousie qui dégénère. La narratrice emmène son compagnon dans un lieu où elle a ses habitudes. Elle le met en garde : un ancien flirt s’y trouve, et la confrontation pourrait mal tourner. Elle le supplie de ne pas chercher l’affrontement, mais l’inévitable se produit. À la fin de la chanson, elle quitte les lieux, laissant les deux hommes régler leurs comptes, non sans une pointe de cynisme : Que le vainqueur de ce combat téléphone demain chez moi.


Une voix qui évolue


À cette époque, France Gall suit des cours de chant avec Jean Lumière, un ténor spécialisé dans la diction et la technique vocale. Elle cherche à affirmer sa voix, à mieux maîtriser son timbre. Cela s’entend sur Avant la bagarre : son interprétation est plus posée, moins juvénile que sur ses premiers succès. Elle adopte une manière de chanter plus assurée, qui préfigure son évolution vers un répertoire plus adulte.


Ce travail sur la voix s’inscrit dans une volonté de professionnalisation accrue. Dans une interview accordée à Salut les Copains, elle confie que ces cours sont essentiels pour mieux appréhender les sessions d’enregistrement et les performances scéniques.

 

Une production efficace


Si 1968 se distingue par la diversité de ses orchestrations, Avant la bagarre bénéficie du savoir-faire d’Alain Goraguer, fidèle collaborateur de France Gall. Connu pour son travail avec Boris Vian et Serge Gainsbourg, il apporte une finesse aux arrangements qui donne du relief à la chanson.


Sur Avant la bagarre, l’orchestration est à la fois dynamique et bien équilibrée. Les cuivres viennent ponctuer le morceau avec précision, tandis que la batterie et la basse installent un groove efficace. On sent l’influence de la pop anglaise, des Kinks ou même du rock garage. Ce n’est pas encore une révolution, mais Avant la bagarre montre que France Gall n’a pas peur de jouer avec les codes et de tester de nouvelles ambiances.


Redécouvrir Avant la bagarre ?


Pourquoi ce titre n’est-il pas plus souvent cité parmi les classiques de France Gall ? Peut-être parce qu’il est coincé dans un album qui n’a pas eu le même impact que ses autres disques. Peut-être aussi parce qu’il n’a jamais bénéficié d’une promotion particulière et de performance télé marquante…


Et pourtant, une mélodie accrocheuse, un texte bien construit, une interprétation affirmée… Avant la bagarre est une pépite méconnue qui mérite une écoute amusée et bienveillante. Alors, la prochaine fois que vous avez envie d’une dose de France Gall hors des sentiers battus, donnez-lui une chance…

 






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