Les yeux bleus de France Gall : une pépite en mode swing
- L'Agent Secret des Chansons
- 7 mars
- 3 min de lecture

En avril 1967, France Gall sort un 45 tours qui, soyons honnêtes, n’a pas laissé un souvenir impérissable dans l’histoire de la chanson. Non pas que tout soit à jeter, mais il y a sur ce disque un duo avec Maurice Biraud, La petite, qui aujourd’hui donne franchement envie de changer de trottoir. Heureusement, on y trouve aussi une perle bien plus réjouissante : Les yeux bleus. Une mélodie fluide, un rythme enlevé et un texte qui pourrait presque faire croire que le monde est parfait… à condition d’avoir les bons yeux.
France Gall et le jazz, une histoire qui dure
Si on associe souvent France Gall à la pop sucrée des sixties ou aux audaces de Gainsbourg, il ne faut pas oublier qu’elle a toujours su naviguer avec aisance dans des eaux plus swing et jazzy. On l’a déjà entendue sur des titres comme Pense à moi ou Jazz à Gogo, où elle se montre particulièrement à l’aise dans ce registre. Avec Les yeux bleus, elle remet ça, et avec brio.
Dès les premières mesures, la flûte traversière et les percussions afro-cubaines installent une ambiance légère et entraînante, presque digne d’une B.O. de Michel Legrand. On n’est pas loin des Demoiselles de Rochefort, qui débarqueront d’ailleurs sur les écrans un mois plus tard. Cette chanson, composée par Claude-Henri Vic et écrite par Robert Gall, joue avec des sonorités jazz en y ajoutant une touche pop parfaitement adaptée à la voix espiègle de France.
Un jazz accessible et intemporel
Ce qui frappe en réécoutant Les yeux bleus aujourd’hui, c’est à quel point la chanson garde une fraîcheur et une souplesse qui fonctionnent toujours. L’univers jazz convient bien à France Gall : il lui permet de jouer avec les nuances, de donner du relief aux mots, et surtout d’échapper aux formats trop rigides.
Elle avait cette capacité rare à rendre le jazz accessible sans le dénaturer, trouvant le bon équilibre entre sophistication musicale et spontanéité vocale.
Un 45 tours inégal… et une surprise Gainsbourg
Le seul problème de Les yeux bleus, c’est qu’elle se retrouve sur un disque qui ne l’aide pas à briller. La petite, le duo principal du 45 tours, est une chanson qui vieillit aussi bien qu’un yaourt oublié hors du frigo. Maurice Biraud, acteur et animateur radio, y incarne un homme d’un âge respectable qui raconte son histoire avec une jeune fille d’une manière qui, aujourd’hui, met un sacré malaise. Même replacé dans le contexte des sixties, ce titre donne surtout envie d’appuyer sur « suivant ».
Mais il y a aussi la traditionnelle livraison de Gainsbourg, Nefertiti. Quand on connaît le personnage et son goût pour les sous-entendus (souvent à peine voilés), on pourrait s’attendre à une nouvelle provocation. Mais non, Nefertiti est une ode sage et respectueuse à la reine d’Égypte, épouse d’Akhenaton. Pas de malice ni de double lecture, juste un Gainsbourg un peu décevant en excursion historique, loin des polémiques habituelles.
Au final, Les yeux bleus ressemble à cette pépite cachée derrière une pochette sans éclat. Un bijou qui aurait mérité mieux qu’un simple rôle de figurant dans la discographie de France Gall.
Une performance élégante… dans un froid glacial
Un an après la sortie du disque, France Gall interprète, avec 3 autres titres, Les yeux bleus dans une émission télé suisse. Elle chante entourée de figurants transis de froid, embarqués sur un bateau enneigé sur le Léman, au milieu de bulles de savon.
Elle, imperturbable, garde son sourire et son énergie, un vrai sens du professionnalisme, et une scène qui illustre bien son aisance naturelle.
Pourquoi il faut réécouter Les yeux bleus
En résumé : si vous avez trois minutes devant vous et envie d’une petite bulle d’évasion, laissez-vous porter par Les yeux bleus. Ce n’est peut-être pas la chanson la plus célèbre de France Gall, mais c’est un de ces petits trésors qui traversent bien les décennies. Une mélodie entraînante, une orchestration soignée, une interprétation pleine de fraîcheur… Bref, un excellent cru des sixties.
Et si vous n’avez pas les yeux de la bonne couleur… eh bien, dites-vous que France Gall vous aurait aimé quand même. Mais peut-être un peu moins.


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