top of page

France Gall et le jazz : l'histoire discrète de Pense à moi

Dernière mise à jour : il y a 3 jours



Quand on pense à France Gall dans les années 60, on imagine tout de suite les années yéyé, les mélodies de Gainsbourg et les refrains qu'on chantonne sans même y penser. Mais ce qu'on oublie souvent, c'est que dans ses premiers disques, elle s'est aventurée sur un terrain moins attendu : le jazz. Et pas juste en touriste, non, avec de vrais morceaux qui mériteraient qu'on s'y attarde. Parmi eux, un titre sort du lot : Pense à moi. Et puis, il y a les autres, Jazz à gogo, Le Cœur qui jazze et plus tard Le temps du tempo... Petit retour sur ces chansons un peu à part dans sa discographie.


Pense à moi : Quand France Gall et son père jouent les jazzmen


Retour en 1963. France Gall a 16 ans, elle est encore Isabelle pour l'état civil, et son père, Robert Gall, veut lui composer un répertoire qui sorte du lot. L'idée, c'est de lui donner un style bien à elle, mais sans tomber dans la variété trop facile.


C’est ainsi qu’il coécrit avec Jacques Datin pour son premier disque Pense à moi, une chanson aux accents résolument jazz, construite sur un rythme en cinq temps inspiré de Take Five du Dave Brubeck Quartet. Un choix osé, presque expérimental pour une adolescente qui n’a, à ce moment-là, jamais chanté en public autrement que devant sa famille et ses copines de lycée.


Mais surtout, Pense à moi est un cas unique dans la discographie de France Gall : c’est la seule chanson qu’elle ait jamais signée, et la seule qu’elle ait coécrite avec son père.


Et franchement, pour une première tentative d'écriture, elle s'en sort plutôt bien. Et son interprétation est naturelle, fluide, elle navigue sans effort dans cette mélodie pas franchement classique pour l'époque. Loin d’être une simple lubie paternelle, Pense à moi révèle déjà une musicalité instinctive chez France Gall.

 

Alain Goraguer : le maestro dans l'ombre


Derrière ces incursions dans le jazz, il y a un homme : Alain Goraguer. Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu'il a travaillé avec Gainsbourg, Boris Vian et qu'il est aussi l'homme derrière les arrangements de France Gall dans les années 60. Et c'est lui qui va insuffler cette touche jazz à son répertoire.


Son influence est partout : sur Pense à moi, bien sûr, mais aussi sur Le Cœur qui jazze et Jazz à gogo, où il s'amuse à glisser des orchestrations pleines de swing, loin du format yéyé habituel.


Le Cœur qui jazze : improvisation ou pas ?


En 1965, deux ans après Pense à moi, France Gall remet ça avec Le Cœur qui jazze. L'ambiance change un peu : on quitte les rythmes asymétriques pour un swing plus classique, avec une instrumentation bien fournie. Les cuivres s'invitent, la batterie s'emballe, et la voix de France Gall suit le mouvement avec aisance.

Et puis, petit détail sympa : grâce aux techniques d'enregistrement de l'époque, elle peut se doubler elle-même sur les refrains. Un effet plutôt malin, qui donne à la chanson un relief particulier pour l'époque.


Jazz à gogo : hommage au Whisky à gogo


Si Le Cœur qui jazze explore le swing, Jazz à gogo (sorti en 1964) est un pur concentré d'énergie. Son titre fait référence au Whisky à gogo, un club parisien mythique où se retrouvaient les amateurs de jazz. Mais c'est aussi un clin d'œil à Goraguer, surnommé "Gogo".


Dès les premières secondes, on est plongé dans l'ambiance : batterie qui claque, basse rythmée, saxophone omniprésent. L'enregistrement, d'ailleurs, a été fait en une seule prise, sans partition. France Gall l'a confié elle-même dans Salut les copains en 1967 : "On a enregistré Jazz à gogo en une heure, comme ça, sans filet."


Pourquoi ces chansons sont restées un peu dans l'ombre


Malgré ces incursions dans l’univers du jazz, jamais il n’a été question d’en faire un axe majeur de la carrière de France Gall. Ces morceaux étaient là pour mettre à profit les talents naturels de la jeune chanteuse dans ce registre.

Mais à l’époque, le public n’était pas prêt. Les maisons de disques non plus. Le jazz, c’était bon pour les amateurs éclairés, pas pour les teenagers qui dansaient le twist.


Résultat : ces morceaux resteront en face B, éclipsés par les tubes de Gainsbourg aux mélodies de leur époque et aux refrains accrocheurs.


Redécouvrir France Gall sous un autre angle


Si on se souvient de France Gall comme d'une icône de la pop française, ses premiers essais dans le jazz montrent une artiste bien plus polyvalente qu'on ne l'imagine. Il y avait déjà, derrière sa voix claire et juvénile, une vraie musicalité, une capacité à s'adapter à des genres variés.


Alors la prochaine fois que vous entendrez Poupée de cire, poupée de son, prenez le temps d'écouter Pense à moi, Le Cœur qui jazze ou Jazz à gogo. Vous verrez, France Gall savait swinguer. Et pas qu'un peu.









Comments


bottom of page