top of page

Véronique Sanson - « Pour Qui ». Pour quand? Pour toujours.


En ouverture de la face B de son premier album, Pour qui est l’un de ces titres que l’on redécouvre toujours avec un léger vertige. Portée par une sensualité fébrile, à la fois envoûtante et inquiète, cette chanson révèle une Véronique Sanson en pleine combustion intérieure : "Si je m’approche du feu, mes cheveux deviennent roux / Mon corps est dangereux et mes yeux deviennent fous…"

Dans cette quête fiévreuse d’identité et de désir, la chanteuse se fait poétesse organique, se fondant dans la fleur, le feu, l’amour, la folie. Un morceau court, mais qui condense toute la matière incandescente du premier album. Pour qui connaît d’ailleurs une vie scénique intense dans les premières années : elle ouvre les concerts à partir de 1976 dans une version tempétueuse, après avoir déjà brillé à l’Olympia en 1975. Puis, plus rien après 1979. Elle disparaît de ses tournées, comme un secret trop brûlant.

Mais si Pour qui est la braise, l’album Amoureuse est l’embrasement.


Naissance d’un album légendaire


À l’hiver 1971, Véronique Sanson entre en studio pour enregistrer ce qui deviendra l’un des actes fondateurs de la chanson française moderne. Elle a 22 ans, elle est amoureuse de Michel Berger, qui croit en elle comme personne, et l’entoure d’une petite équipe pour façonner ce premier LP. Si elle a préparé méticuleusement l’enregistrement, l’ambiance, elle, est au direct, à la fièvre de l’instant : tout est enregistré en trois jours seulement, dans une atmosphère de communion musicale.


C’est Michel Bernholc, pilier de l’album, qui se charge des orchestrations, et les musiciens — Claude Engel, Gérard Kawczynski, Christian Padovan, André Sitbon — n’imaginent pas encore qu’ils participent à une petite révolution. « Je leur ai dit : « Nous ne sommes pas là pour jouer mes chansons mais pour chanter ensemble. D'accord?», se souvient Sanson. C’est cette liberté, cette spontanéité, cette énergie collective qui donnent à ce premier album son grain si vivant.


Une pochette comme un manifeste


L’album sort le 20 mars 1972. La pochette, signée Francis Giacobetti, montre Véronique assise, tenant sur ses genoux un petit piano rouge, appartenant à la nièce de Berger. Rouge comme la passion, rouge comme la révolte douce de cette jeune femme qui impose son style, sa voix, son tempo.


La voix d’une époque qui bascule


Ce disque ne ressemble à rien de ce qu’on connaît alors. Il y a, bien sûr, le vibrato inimitable, cette façon de faire danser les voyelles, de casser le rythme, d’amener le français à sonner comme de l’anglais. Sanson crée une pop française hybride, syncopée, moderne — influencée autant par les Américains que par Jobim. Le texte suit la musique, et non l’inverse : une révolution dans une tradition où l’on plaçait encore les mots au-dessus de tout.


Même Françoise Hardy reconnaissait, avec une grâce un peu jalouse, qu’elles et toutes ses consœurs sont désormais "larguées". Car cette voix-là fend l’époque comme un trait de lumière. Elle peut paraître étrange au premier abord, mais elle devient signature. "Je n’ai pas toujours chanté comme ça", avouera-t-elle plus tard. C’est en imitant Dionne Warwick, un jour, qu’elle trouve son timbre. Par mimétisme passionnel. Encore.


Les chansons, elles, sont autant de petits sortilèges : Amoureuse, bien sûr, mélancolique et sensuelle ; Besoin de personne, devenu manifeste féministe presque malgré lui ; L’Irréparable, poignard mélodique ; Bahia, escapade rêveuse ; Dis-lui de revenir, minute bouleversante de pureté. Même les titres les plus courts sont ciselés comme des bijoux.


Pour les Michel, une dédicace chantonnée au piano, dit aussi tout de cette relation avec Bernholc et Berger — collaboration fusionnelle avec ce dernier, qui deviendra rupture fracassante un an plus tard, lorsque Sanson quittera la France pour Stephen Stills et l’Amérique.


Un succès au long cours


L’album devient un succès immédiat : double disque d’or, exporté partout — jusqu’au Japon, avec certaines chansons en versions anglaises, allemandes ou espagnoles. Il sera enrichi en 2008 (dans le coffret Et Voilà !), puis en 2012 pour ses 40 ans avec maquettes inédites et versions étrangères. Jeanne Cherhal lui rendra même hommage le 21 mars 2012 en le rejouant intégralement sur scène, dans l’ordre d’origine, comme un vinyle vivant.


Pour qui, cette musique en fusion ?


Pour qui est une question que pose toute l’œuvre de Véronique Sanson. Pour qui écrire, pour qui brûler, pour qui transformer la douleur en harmonie ? Avec l’album, sans titre au départ mais désormais appelé Amoureuse, elle trace la réponse en douze pistes : pour soi, pour l’autre, pour la musique

Et pour tous ceux qui, un jour, ont regardé une fleur et se sont sentis devenir fleur…


Photo © Francis Giacobetti, 1972


Kommentare

Mit 0 von 5 Sternen bewertet.
Noch keine Ratings

Rating hinzufügen
bottom of page