Thelma Houston, "I'm Here Again" et le come-back en boucle de la disco
- L'Agent Secret des Chansons

- 1 août
- 3 min de lecture

On est en 1977. L'Amérique danse et la sueur brille sur les boules à facettes. En haut des charts ? Une voix. Puissante, vibrante, gorgée de gospel : Thelma Houston. Don't Leave Me This Way a tout dévasté sur son passage. Radio, boîtes, funérailles, open bars. Le tube, évidemment, a sa propre histoire (on y revient).
Mais aujourd'hui, j'ai envie de vous parler de sa fausse jumelle, sa sœur cachée : I'm Here Again.
Parce que bon, soyons honnêtes, c'est Don't Leave Me This Way, mais avec une frange. Même voix, même groove, même désespoir amoureux transcendé en feu d'artifice dansant. Et pourtant... avec le temps, c'est I'm Here Again que je préfère. Parce qu'elle n'a pas été lessivée par 10 000 compils, pub pour lasagnes ou épisodes de Glee. Elle a gardé sa fraîcheur. Sa saveur de perle planquée au fond de la caisse d'un DJ en 1982. Ce DJ c'était moi. Mais revenons un peu en arrière.
Qui est Thelma ?
Si vous vous êtes toujours demandé si Thelma Houston avait un lien avec Whitney, la réponse est : absolument aucun. Mais elle a du coffre, et une histoire digne d’un biopic Motown. Née en 1943 dans le Mississippi, Thelma Jackson (de son vrai nom) grandit en Californie dans une famille modeste. Gospel, soul, boulot de survie. Elle passe par les Art Reynolds Singers avant de signer avec Dunhill, puis Motown en 1971.
La major ne sait pas trop quoi faire d’elle. Trop soul pour les charts pop, trop classe pour les gimmicks faciles. En 1975, elle chante You've Been Doing Wrong for So Long : beau titre, mais pas de carton. Elle fait des démos, de la télé, des bandes-son obscures. On parle même d’elle pour jouer Bessie Smith dans un biopic, qui ne se fera jamais. Mais tout change en 1976...
Don't Leave Me This Way : naissance d'un tube miracle
La chanson ? Elle vient des patrons de la soul de Philadelphie : Gamble, Huff et Gilbert. En 1975, elle est chantée par Harold Melvin & The Blue Notes, avec Teddy Pendergrass. Une bombe. Mais pas exploitée en single. Motown flaire l’opportunité : Hal Davis, le producteur qui a offert Love Hangover à Diana Ross, récupère le titre pour Thelma.
Et ça marche. Houston monte la tonalité, raccourcit l'intro, souffle le feu sur les refrains. Elle transforme un appel au secours en déclaration incendiaire. Le monde danse, la presse applaudit, la radio surchauffe.
Ironie ultime : Motown, en mal d’idées disco, explose avec un titre pompé sur Philly Soul. Ça, c’est la magie de la musique. Et de l’opportunisme.
La machine à danser Motown
Et il faut dire que Don't Leave Me This Way a tout arraché : N°1 aux USA, Grammy à la clé, et des ruptures de stock chez les disquaires de Chicago à Nice. Thelma Houston, auparavant abonnée aux bacs "réservé aux initiés", devient l'égérie de la danse, du "je t'aime, reviens ou je m'écroule en sequins ». Après le carton de l’album Any Way You Like It qui contient le titre, Motown sent qu'il tient enfin sa diva disco maison.
Alors que faire pour l'album suivant ? Hal Davis, indisponible, laisse les manettes à un autre couple : Brenda et Michael B. Sutton. Ils pondent I'm Here Again, littéralement un clone de Don't Leave Me. C'est assumé : même structure, même progression, même motif à la basse. C'est du recyclage de luxe. Mais ça fonctionne.
Le titre ouvre l'album The Devil in Me, sorti en 1977. Une galette parfois injustement oubliée, mais qui contient son lot de bombes. Des ballades de feu (Your Eyes, Memories), du funk vitaminé (Triflin', Give Me Something to Believe In), et ce single d'ouverture. En R&B et sur les pistes, I'm Here Again réalise un score honnête. Pas de N°1 cette fois, mais une belle longévité dans les sets des DJs qui savent que l’essence du disco, c’est aussi dans les morceaux oubliés qu’on la trouve.
La revanche de I'm Here Again
Alors voilà. I’m here again n’est peut-être pas un hit interplanétaire. Thelma elle-même avouera plus tard ne pas avoir trop aimé cette décision de sortir le titre. Mais c’est un secret bien gardé, une boucle magique, un groove qui revient comme un ex qu’on n’arrive pas à détester. I'm Here Again, c’est la preuve que la disco, même recyclée, même planquée, peut encore faire battre le cœur — et les semelles. Tu appuies sur play, et c’est 1977 qui te tend la main. Encore.




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