Smith – What Am I Gonna Do : la soul d’une séparation version californienne

What Am I Gonna Do, interprétée par Gayle McCormick au sein du groupe Smith, est l'une de ces chansons qui parlent doucement de la solitude. Pas dans le grand drame, mais avec une tristesse simple et sincère.

Écrite par Carole King et Toni Stern, deux autrices-compositrices légendaires auxquelles on doit aussi It's Too Late et Where You Lead, cette chanson est un classique discret. Elle est un peu à part dans l'album, qui est plutôt orienté rock. Mais franchement, qui aurait eu l'idée de refuser une chanson originale signée Carole King ? Certainement pas Smith.

Carole King et Toni Stern, deux plumes en or

Dans les années 60 et 70, Carole King est déjà une figure incontournable de la pop américaine. Avant même de se lancer dans une carrière solo (Tapestry sortira en 1971), elle compose pour d'autres, souvent avec des partenaires de talent, comme Toni Stern, parolière et amie proche. Ensemble, elles signent quelques-unes des chansons les plus sensibles et élégantes de cette époque. What Am I Gonna Do porte déjà en elle ce mélange de fragilité et de maturité qu'on retrouvera sur le premier album de Carole King.

Une pépite au milieu d'un album trop discret

Sorti en mai 1970, What Am I Gonna Do figure sur Minus-Plus, le deuxième – et dernier – album de Smith. Un disque souvent oublié, éclipsé par leur succès de 1969, Baby It’s You. Et pourtant, Minus-Plus mérite bien mieux que cet oubli.

Sur cet album, Gayle McCormick révèle une facette différente de sa voix : moins explosive que dans le premier disque, plus touchante, plus intime. La production, assurée entre autres par Steve Barri et Joel Sill, est sobre mais efficace. Les cuivres viennent renforcer les émotions sans en faire trop, et Jimmie Haskell (célèbre pour ses arrangements pour les Grass Roots ou dans plusieurs musiques de films) ajoute quelques cordes discrètes pour soutenir l'ensemble. Le tout met en valeur la voix de Gayle, qui semble parfois au bord de la rupture.

Smith, un groupe entre lumière et oubli

Smith, c’est un peu l’histoire d'un groupe qui a connu la gloire aussi vite qu'il l'a vue s'éloigner. Découverts à Los Angeles par Del Shannon et Brian Hyland, ils connaissent l'ascension avec leur premier album A Group Called Smith et surtout avec Baby It’s You, qui grimpe jusqu'à la cinquième place du Billboard.

Mais leur deuxième album, Minus-Plus, est moins chanceux. Sorti en 1970, il n'atteint que la 74ᵉ place des charts. Le single What Am I Gonna Do ne fait pas mieux avec une 73ᵉ place. C’est dommage, car ce disque montre un groupe qui a osé évoluer. Moins psychédélique que leur premier, il explore d’autres chemins : le rock traditionnel, le folk et la pop classique.

On y découvre des chansons solides comme Born in Boston (un peu comme du Steppenwolf, mais plus posé), Circle Man, ou encore You Don’t Love Me (Yes I Know), où la voix de Gayle alterne entre tendresse et force avec beaucoup d’aisance.

Gayle McCormick, une voix qu’on n’oublie pas

Gayle McCormick reste l'une des grandes voix méconnues de cette époque. Capable d'être aussi puissante que douce, elle n'a pourtant jamais vraiment percé après l'aventure Smith.

Elle enregistrera quelques albums solo, notamment chez Dunhill, avec Dennis Lambert et Brian Potter à la production. Mais elle finira par s’éloigner du monde de la musique. Elle aurait pu devenir une sorte de Janis Joplin plus pop, une Dusty Springfield plus roots, ou encore une Linda Ronstadt plus soul. Mais elle a préféré quitter la scène, peut-être parce que cette carrière coûtait plus qu’elle ne rapportait, en énergie et en espoirs déçus.

Et pourtant, à chaque fois que je réécoute What Am I Gonna Do, je me dis que cette chanson aurait pu devenir un classique. Elle a tout : la qualité de l'écriture de Carole King, la sincérité d'une interprétation sans effets inutiles et une émotion douce-amère qui traverse le temps.

Un morceau pour les jours de doute

Alors, la prochaine fois que vous êtes en train de cuisiner un peu trop nerveusement pour oublier quelqu’un, passez cette chanson. Mettez un peu de vin rouge dans un verre trop grand, laissez tomber la cuillère en bois, et asseyez-vous. Écoutez Gayle vous raconter qu’elle aussi, elle ne sait pas quoi faire. Et là, peut-être, vous sentirez que ça va aller.