Sheila – Vivre mieux (live au Zénith) : le soir où tout a changé

Au tournant des années 80, Sheila a bluffé son monde avec deux albums américains, produits par Chic et Keith Olsen. Puis, en 1983, avec l’album On dit. Une pop française moderne, des textes qui disaient quelque chose, certains même poétiquement obscurs, une production léchée. Elle n’était plus juste “la petite fille de Français moyen”. Je suivais cette évolution, même si c’était d’un peu loin, car je l’avoue, à la maison, je mettais plutôt les Smiths, Yazoo ou Soft Cell sur la platine.

Sheila version XXL

Fin 1984. on apprend que Sheila va monter sur scène, pour de vrai, au Zénith de Paris. Un mois de concerts ! Mon cœur d’enfant réveille le jeune homme que j’étais devenu, et j'achète illico un billet pour la première, le 22 février 1985.

Puis, Paris s’est couvert d’affiches géantes. Sheila, en grand format, qui devenait un événement national. Sur les murs, les colonnes Morris, dans le métro. Une diva cheveux aux vents, intense, un message qui annonçait : Sheila au Zénith.

Une salle, une ferveur, une voix nue

Et puis est venu le 22 février. Ce n’était pas un concert, c’était une rencontre. On ressentait la frébrilité d'un rendez-vous amoureux collectif. Des milliers de personnes qui, jusqu’alors, avaient écouté Sheila chez eux, sur disque, à la télé, étaient là, ensemble.

Le noir se fait. Un spot. Un rideau noir imprimé d’un piano. Et là, elle apparaît. Seule. Dans un long manteau cintré. Immobile. Et elle chante Vivre mieux.

Pas de fioriture, un piano, une voix à nu, posée sur un fil tendu. Les paroles d’une femme fatiguée, épuisée par les compromis, qui veut "des matins d'espoir". La salle retenait son souffle.

Rideau ! Et bam, le rock

Et soudain… le noir. Un éclair. Un fracas. Le rideau tombe. Sheila apparaît, costume Gaultier rouge pétant, collants noirs, musiciens, lumières : Je suis comme toi en version live rock. Là, c’était parti. Pour deux heures de show avec une Sheila en feu, show-woman libérée, danseuse, chanteuse, meneuse, rockeuse...

Un mois de Zénith, un triomphe… et une rumeur assassine

Bien sûr, un mois entier au Zénith, c’était ambitieux de la part de son producteur. Peut-être trop. Les deux dernières semaines ont été recentrées sur les week-ends. Soit. Mais enfin, 16 dates assurées au total pour une artiste qui n’avait jamais fait de tournée digne de ce nom depuis 20 ans, c’était un exploit. Imaginez cela à l'heure actuelle, où il est rare que les artistes s'y produisent plus d'1 ou 2 soirs de suite...

Un mois plus tard, les langues de vipère ont commencé à s’agiter. On parlait de flop. J'étais stupéfait. Parce que moi, je l’ai vécu. Ce n’était pas un échec, loin de là, c’était une victoire, une renaissance.

Pourquoi Vivre mieux est plus qu’une chanson

Vivre mieux, c’est le titre d’ouverture. C’est le manifeste. C’est Sheila qui dit : “Je suis là. J’ai changé. Je suis vraie.” Elle parle de fatigue, d’amours morts, de solitude, de faux-semblants. Et elle le chante avec honnêteté.  

Pendant toutes ces années, Sheila était une chanteuse de studio, de télévision mais pas de scène. Et là, elle prouve qu’elle est née pour ça. Avec ses musiciens, ses choristes, ses danseurs, ses costumes. Ses tours métalliques géantes sur scène, d’où elle va disparaître puis réapparaître pour Le film à l’envers. Son arrivée sur Spacer accrochée à un engin spatial, son aquarium géant qui recrée la rue du film Singin’ in the rain. Son long medley plein d’autodérision qui retrace 20 ans de sa vie (et un peu de la notre). Un spectacle émouvant, bien pensé et mis en scène.

Le début d’une autre Sheila

On dit parfois que certains artistes ont plusieurs vies. Ce soir du 22 février 1985, Sheila en a commencé une nouvelle sur scène. Et nous, spectateurs privilégiés, avons assisté à sa métamorphose. Elle a chanté Vivre mieux, et elle l’a fait.

Alors oui, peut-être que le disque live est imparfait. Peut-être que les critiques ont été injustes. Mais Sheila, ce soir-là, il y a 40 ans, tu nous as offert bien plus qu’un concert. Tu nous as offert un moment d’éternité.

Reportage Sheila au Zénith