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Sheila, le divin et les tubes (2e partie)



On l’a vu dans l’article précédent : si les auteurs de Sheila l’ont emmenée flirter avec la Bible dans 5 chansons, ce n’était pas pour faire des sermons, mais pour célébrer l’amour et donner de la force à ses refrains. Mais, à y regarder de plus près, certains de ses autres titres, même les plus légers, ont parfois murmuré une forme de quête, une confiance discrète dans quelque chose de plus vaste. Si elle évoque parfois Dieu, c’est souvent un Dieu intérieur, parfois joyeux, parfois perdu, souvent universel — et toujours humain.


Alors, Sheila, artiste mystique ? Pas vraiment. Mais habitée, oui, à sa manière. Par un élan vers plus grand qu’elle — et parfois vers Saint Patrick, pourquoi pas. Et surtout : par la musique comme lien sacré. Suivez le guide pour un pèlerinage en terres variétées.


Alléluia en tempo twisté


Premier clin d’œil céleste dans Chante, chante, chante (1963), où l’on croise un Alléluia inattendu. L’ambiance n’est pas au recueillement, mais à la légèreté réconfortante. La recette ? Quand ça va mal, on chante fort, et ça ira mieux. Un peu de confiance en mode vitaminé, emballée dans un twist optimiste.


Quatre ans plus tard, La Porte en bois s’aventure plus loin : un vieux monsieur y frappe au paradis comme à un dancing. Saint Pierre finira par lui ouvrir, parce qu’il « sait frapper comme ça ». L’au-delà devient un club très privé, avec un portier. Le monde d’après version Sheila : accessible, chaleureux, pas du tout intimidant. Rassurant, quelque part.


Église miniature et amours essentiels


Un an plus tard, La petite église nous emmène assister à un mariage confidentiel, presque clandestin. Deux amoureux, un témoin de passage, rien de solennel. La chanteuse est témoin discret de l’amour vrai, avec une certitude simple : « Nous viendrons un jour, comme eux ». L’église, ici, n’est pas une institution, mais un refuge pour l’intime.


Et si l’engagement, c’est du sérieux, Je t’aime (1966) l’élève au rang de vocation presque christique. L’aimé est un modèle de vertu, un être habité par l’altruisme, la compassion, le dénuement. On y trouve tout le programme d’un apôtre moderne : donner son pain, partager son manteau, abriter l’étranger… L’amour devient ici un acte actif : « Je t’aime parce que tu essaies, rien qu’avec tes deux mains, de transformer le monde de demain ».


Glory, tendresse et nuits étoilées


Difficile de passer à côté de Glory Alleluia (1975), chant lumineux d’un Noël pas comme les autres. La crèche, l’étoile, les rois, les pauvres et les princes agenouillés. « Dans le cœur de tous les hommes, un peu d’amour descend du ciel ».


Et cette idée que quelque chose vient d’en haut revient souvent chez elle, comme une clarté discrète dans la brume des drames. Car Sheila a connu ses jours sombres. Et quand elle décide de s'émanciper et de ne chanter que ce qui la fait vibrer, c’est là que ses chansons prennent une densité nouvelle, parfois bouleversante.


Avec On dit (1983), elle entame une introspection sans détour. Elle se cherche, s’interroge. Le refrain s’ouvre comme une énigme : « Au nom du Père, au nom du Saint-Esprit, au nom du Fils… dites-moi qui je suis ». Une quête de sens vibrante, où l’on sent une solitude existentielle plus qu’un message religieux.


Pardon, sorciers et Saint Patrick


En 2012, Je pardonnerai explore une forme de résilience. Les mots sont lourds, elle évoque les démons, les sorciers, mais aussi la guérison et la force intérieure. Une femme cabossée qui trouve dans cette énergie-là de quoi avancer encore.


Déjà en 1988, elle faisait appel au Dieu de Murphy, mais pour apaiser l’Irlande. Saint Patrick est convoqué comme médiateur de paix. Ici, pas de guerre de chapelles : la figure invoquée n’est ni catholique ni protestante, mais profondément humaine. Elle n’appartient à personne, mais parle à tout le monde.


Une élévation sans dogme (ni missel)


D'ailleurs Sheila l’a dit et redit : elle ne croit pas aux religions, mais elle croit à la foi. Elle l’a expliqué en 2025 : « Les religions divisent les hommes, la foi les rapproche. » C’est aussi ce que dit sa chanson L’amour pour seule prière (2006), résumé limpide de son chemin personnel. « Comme une femme touchée par la lumière. ». Sheila poursuit sa quête d’un idéal spirituel, à travers la lumière d’un amour humain qui élève et transforme. Il s’agit moins de croire que d’éprouver une communion, l’énergie passe par les autres, par les gestes, par les liens.


Et puis il y a Dans le regard des gens (1999), où elle murmure : « Quelquefois, dans les yeux, pas longtemps… on voit Dieu. » Pas plus, pas moins. Une présence fugace, dans le regard, dans l’instant. Pas un dogme : une intuition.



Et Dieu, dans tout ça ?


C’est justement le titre de sa toute dernière chanson. Une interrogation suspendue, douce-amère : « Et Dieu, dans tout ça ? J’espère qu’il croit un peu en nous. » Il n’y a pas de réponse. Mais l’impression, tenace, que quelque chose nous dépasse, nous relie. Un élan discret, à hauteur de cœur.


Finalement, Sheila a proposé. Des images, des métaphores, des étoiles à suivre. Une forme de confiance discrète, sans ostentation.

Sa transcendance, c’est l’amour. Son sanctuaire, la scène. Ses psaumes, des refrains populaires.


En somme, elle chante pour relier. Et, mine de rien, fait de la variété… un art profondément humain.

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