top of page

Sheila – Le bonheur file et roule entre nos doigts : quand une face B raconte l’essentiel



Dans le monde merveilleux – et néanmoins cruel – de la variété française, c’est parfois sur les faces B que les émotions les plus sincères se murmurent. Aujourd’hui, on s’intéresse à une chanson un peu oubliée, rangée derrière un titre bien plus clinquant. Une chanson douce et discrète, qui mérite un coup de projecteur : Le bonheur file et roule entre nos doigts, de Sheila, parue le 24 février 1975 en face B du 45 tours C’est le cœur (les ordres du docteur).


Face A : Sheila attrape le disco… assise


Avant de plonger dans Le bonheur file..., un petit détour s’impose par sa grande sœur : C’est le cœur (les ordres du docteur). Adaptation française du Doctor’s Orders de Sunny (popularisée ensuite en version disco par Carol Douglas), cette chanson marque un tournant dans la carrière de Sheila. C’est l’un des tout premiers morceaux disco interprétés en français. Rien que ça.


Sheila, alors enceinte, enregistre cette chanson depuis un fauteuil, jambes relevées – ambiance glamour. Et pourtant, Mat Camison, en chef d’orchestre inspiré, dirige la séance pour qu’elle en sorte une voix douce, sensuelle, presque aérienne. Et ça marche.


Mais pendant que C’est le cœur jouait les précurseurs dans les discothèques (encore tièdes pour Sheila il est vrai), une autre chanson, en face B, choisissait la voie du cœur brisé sur quai de gare.


Une face B aux parfums de roman


Le bonheur file et roule entre nos doigts commence par une scène de cinéma : un train qui part dans la nuit, un cœur qui crie à la vie, et une femme qui ne se contente plus d’attendre. Voilà une chanson douce-amère, portée par une orchestration de qualité signée Jean-Claude Petit, et une production de studio supervisée par le légendaire Bernard Estardy au Studio CBE.


La chanson prend la forme d’un instant suspendu entre départ et retrouvailles, entre regrets et espoirs. On y parle d’un amour du quotidien, celui des maisons, des jardins, des enfants qui arrivent, des chansons entre amis… Ce bonheur simple, qui "file et roule entre nos doigts", insaisissable mais tenace.


Une collaboration étonnante : Vangarde + Pancol + Carrère


Cette chanson est née d’un trio inattendu. D’abord, Daniel Vangarde, compositeur prolifique, artisan de l’ombre et futur père de Thomas Bangalter, moitié des Daft Punk. À cette époque, Vangarde travaille souvent avec Claude Carrère, et signe avec lui plusieurs titres pour Sheila (Poupée de porcelaine, Oui je t’aime, L’Olympia, Cœur blessé) qui oscilleront entre variété et exotisme.


Mais la vraie surprise vient d’un autre nom au générique : Katherine Pancol. Oui, la Katherine Pancol, alors jeune journaliste à Cosmopolitan et Paris Match, bien avant qu’elle n’initie des millions de lecteurs à ses romans à succès. Elle avait déjà deux ans auparavant signé les paroles de Mélancolie pour Sheila.


Une époque, un contexte, une artiste au repos


En 1975, Sheila est une femme, une épouse, une future mère. Ce 45 tours est enregistré dans un contexte personnel bouleversé. Elle se repose, elle observe les tensions autour d’elle – dans son couple, mais aussi dans son entourage professionnel, avec la défection de son attaché de presse, Mémé Ibach, prêt à produire une certaine Carène Chéryl ailleurs. Une nouvelle figure entre dans sa vie professionnelle : Annie Markhan, venue de chez Barclay, qui prend le relais dans la machine Carrère. Tout ça bouge, intrigue. Sheila, elle, reste au centre, stoïque.


Une chanson oubliée


Ce morceau n’a pas eu de carrière. Aucune réédition, aucun passage radio. Juste une petite présence en fin d’année sur l’album Quel tempérament de feu –compilation annuelle de Sheila (avec tout de même 3 inédits). Et pourtant, cette chanson murmure une vérité universelle : le bonheur n’est pas garanti. Il passe. Il revient. Parfois il s’en va pour longtemps. C’est de la variété avec un supplément d’âme. Juste une voix douce, un regard lucide et une belle mélodie.


Conclusion : redonnons sa chance au bonheur… même en face B


Alors, pourquoi ressortir aujourd’hui Le bonheur file et roule entre nos doigts de l’oubli ? Parce qu’elle fait partie de ces chansons-refuges. Parce qu’elle raconte une époque, une femme, une grossesse, des questionnements peut-être.


Et aussi parce que, franchement, une chanson co-écrite par le papa des Daft Punk et la future autrice de Muchachas, ça ne se trouve pas tous les jours.

Alors on appuie sur play, on ferme les yeux, et on laisse rouler le bonheur entre nos doigts.




Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating
bottom of page