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Samedi Soir de Sheila : et si le premier titre disco français était une face B oubliée ?



Octobre 1974 : alors que la variété française hésite entre chanson classique et nouvelle vague d’auteurs-compositeurs, un autre mouvement commence à se profiler à l’horizon. Un son plus dansant, des rythmes syncopés venus d’outre-Atlantique, une musique calibrée pour les clubs… Le disco n’a pas encore conquis le grand public, mais ses tous débuts se font entendre.


C’est dans ce contexte que Sheila enregistre Samedi Soir. Pourtant, ce titre ne fait pas l’événement : il n’est que la face B du 45 tours Ne Fais Pas Tanguer le Bateau, un morceau ô combien plus classique et radiophonique. Mais avec le recul, Samedi Soir pourrait bien être le premier vrai titre disco français...


Le disco en gestation : des clubs new-yorkais aux premiers tubes français


Le disco ne surgit pas de nulle part. Dès le début des années 70, il prend racine dans les clubs underground new-yorkais, notamment ceux fréquentés par les communautés afro-américaines et LGBTQ+, qui façonnent un nouveau son en mêlant soul, funk et dance music.


Des groupes comme The O’Jays, Harold Melvin & The Blue Notes ou MFSB, sous le label Philadelphia International Records, posent les bases d’un groove plus sophistiqué et orchestré. Ce son, appelé Philly Sound, influence bientôt des artistes du monde entier.


Il faudra attendre 1976 pour que le disco made in France démarre véritablement, avec des morceaux comme Love in C Minor de Cerrone, J’attendrai de Dalida ou L’Enfant aux Cheveux Blancs de Patrick Juvet. Pourtant, Sheila fait figure de pionnière dès 1974 avec Samedi Soir et en 1975 avec C'est le coeur, avant même qu’elle ne prenne le virage SB Devotion.


Un son pré-disco taillé au Studio CBE


Mais qui est à l’origine de cette petite révolution musicale ?

Surprise : c’est Guy Bayle, alias Ringo, qui compose Samedi Soir. Il s’agit d’une rare collaboration musicale entre Sheila et son mari de l’époque, après Les Gondoles à Venise et Oh Marie Maria. Pourtant, le véritable architecte du son disco du morceau est Jean-Claude Petit, qui signe l’orchestration, avec l’ingénieur du son Bernard Estardy, alias Le Baron, au célèbre Studio CBE.


Leur travail apporte au morceau une rythmique dansante, des cordes qui évoquent déjà le Philly Sound et une basse groovy. Un cocktail qui rappelle les productions américaines en pleine gestation.


Sheila, alors enceinte de son fils Ludovic, insuffle à la chanson une énergie insouciante, un mélange de légèreté et d’excitation typique des samedis soirs en boîte. Les paroles, elles, racontent l’attente d’une soirée, entre espoirs de rencontres et envie de danser… mais sans rentrer trop tard.


Une face B qui aurait mérité d’être une face A


À l’époque, Samedi Soir passe inaperçu. Carrère ne croit pas à son potentiel et mise tout sur Ne Fais Pas Tanguer le Bateau, un titre plus conforme aux attentes du public de Sheila. Résultat : Samedi Soir n’a droit ni à une promotion radio, ni à une apparition télévisée.


Pire encore, les DJ français, qui auraient pu aimer l’influence pré-disco du morceau, ne retournent même pas le 45 tours. En 1974, il est encore impensable de passer Sheila en club.

Ce n’est que des années plus tard que le titre sera redécouvert comme une véritable pépite proto-disco.


Sheila et le disco : un tournant décisif avec SB Devotion


Si Samedi Soir reste un coup d’essai, Sheila prendra finalement sa revanche en devenant l’une des rares artistes françaises à s’imposer sur la scène disco internationale. En 1977, elle adopte une toute nouvelle image avec Sheila & B. Devotion et sort Love Me Baby, suivi de Singin’ in the Rain et surtout du méga-hit Spacer (1979), produit par Chic, le duo légendaire de Nile Rodgers et Bernard Edwards.


Avec le recul, Samedi Soir apparaît comme une transition, un premier pas vers ce style qui allait la transformer en icône disco.


Le retour en grâce avec un remix bien senti


Il aura fallu attendre 2022 pour que Samedi Soir retrouve un peu de lumière, grâce à un remix signé Woody Braun et la Funky French League. Leur verdict ? Un morceau qui, dès l’origine, était très proche du Philly Sound et n’attendait qu’un dépoussiérage pour briller.


Aujourd’hui, à l’heure où le disco connaît une véritable renaissance, il est temps de redécouvrir Samedi Soir sous un autre angle. Ce titre discret, resté dans l’ombre, avait sans le savoir trois ans d’avance sur Saturday Night Fever.


Ça valait bien une réhabilitation tardive… et une écoute immédiate.






1 Comment


Carpentier Guillaume
Carpentier Guillaume
il y a 2 jours

Merci à vous pour toutes ces précisions. Intéressant votre site que je ne connaissais pas.

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