Sheila – It’s Only Make Believe : la pépite originale au cœur du rêve américain
- L'Agent Secret des Chansons
- 15 avr.
- 4 min de lecture

Quand Sheila a sorti l’album Little Darlin’ à l’automne 1981, j’étais plutôt fier pour elle. Franchement, après la période disco avec Chic et Spacer, la voilà qui jouait à nouveau dans la cour des grands aux États-Unis, cette fois-ci avec des musiciens qui accompagnaient les plus gros noms de la scène rock californienne. C’était du sérieux. Mais surtout, c’était surprenant.
Et moi, dans ce disque où je n’ai pas tout adoré (soyons honnêtes), il y a au moins trois morceaux que je peux encore écouter sans me lasser aujourd’hui : Stranded (le titre le plus rock de sa discographie), Little Darlin’... et surtout It’s Only Make Believe. Et pourtant, personne n’en parle.
Quand Sheila prend la route du rock
Mais pour comprendre comment notre Sheila s’est retrouvée au beau milieu des studios californiens avec les pointures de la scène westcoast, il faut remonter un peu.
Elle sortait alors d’une carrière européenne fulgurante avec les B. Devotion. De quoi voir l’avenir en grand. Mais en 1981, le disco est déjà presque mort et enterré (d’ailleurs son album King of the World produit par Chic l'année d'avant était déjà plus funk que disco). Sheila, elle, voit plus grand et sent que c’est le moment de bifurquer. Et d’aller vers sa vraie passion : le rock. Et pas n’importe lequel. Le rock californien, celui qu’elle avait découvert lors de ses voyages aux États-Unis. Un son ensoleillé, puissant, mélodique.
Claude Carrère la voit glisser vers l’international avec un mélange d’enthousiasme et d’inquiétude. Mais il sent aussi le potentiel. Alors il dit banco. Il contacte le grand Keith Olsen — le producteur de Fleetwood Mac, Pat Benatar ou encore Rick Springfield — par l’intermédiaire de son manager Bob Buziak. Ensemble, ils sélectionnent les morceaux. Le casting est béton. Et Sheila s’investit à fond.
Elle s’installe un mois en Californie et bosse avec Keith Olsen. Pas un rigolo de prime abord. Il la reçoit dans ses nouveaux studios à L.A., et tout de suite, le ton est donné : « Il paraît que t’es une vraie pro ? OK, alors donne-moi ce que t’as dans le ventre. »
Un casting de luxe, une ambiance de travail sérieuse
C’est ce qu’elle a fait. Elle est là, dans le studio, attentive, volontaire. Elle travaille son accent jusqu’à en rêver la nuit, écoute, apprend, s’immerge dans ce bain musical et fait corps avec l’album, de la conception à l’enregistrement.
Sur le papier, l’album a tout pour plaire : des musiciens de haut niveau (Mike Baird à la batterie, Tim Pierce à la guitare, Bill Champlin aux claviers, entre autres), un répertoire qui mêle reprises américaines et compositions originales. Sheila est dans un autre monde, musicalement. L’enregistrement est propre, solide, calibré radio rock US.
Et au beau milieu de ce disque ambitieux se cachent pas mal de pépites originales, dont Saturday night, Put it in writing et... It’s Only Make Believe (Doctor, Doctor).
It’s Only Make Believe : un vrai morceau original
Ce qui distingue ces titres d’autres titres de l'album, c’est leur exclusivité. Là où des morceaux comme Stranded (déjà chanté par Airplay), Runner (Ian Thomas), l’inédit Prisoner (Sheena Easton) ou même Little Darlin’ (Spider) sont des reprises, It’s Only Make Believe est un original. Une création jamais interprétée par personne d’autre.
Un bijou signé Tom Kelly, songwriter légendaire, moitié du tandem Kelly/Steinberg, qui pondra plus tard Like a Virgin pour Madonna, Alone pour Heart ou encore True Colors pour Cyndi Lauper. Rien que ça.
Une production soignée, un vrai climat
Dès le début du morceau, on sent un son très Westcoast : piano, guitare claire, batterie posée, basse bien carrée. Et surtout, un travail sur les chœurs qui soutiennent Sheila, avec un casting de luxe : Richard Page (Mr Mister), Bill Champlin (Chicago), Tom Kelly, Venette Gloud… c’est quasiment un comité des Grammy Awards dans le studio.
Pour la voix, Sheila descend dans les graves, accroche un peu, se laisse aller dans les refrains. Elle n’essaie pas de jouer les rockeuses à la Benatar, elle reste elle-même – mais une version américaine, peaufinée.
Le regard des autres, le besoin de reconnaissance
Ce disque, c’était une tentative de reconnaissance artistique. Sheila voulait être vue autrement. Elle voulait être jugée pour sa musique, pas pour son passé. Et même si tout le monde ne l’a pas compris, elle a tenté et réussi quelque chose.
Et finalement, même si le succès de l’album reste mesuré en France, le single Little Darlin’ grimpera sans trop de promo à la 49e place du Billboard américain — première fois qu’une artiste française s’y classe depuis Édith Piaf. Et pour les 40 ans de l'album en 2021, avec sa ressortie en version augmentée, It’s Only Make Believe acquiert enfin une reconnaissance tardive grâce à trois remixes signés Funky French League.
Pourquoi j’écris tout ça
Ce blog, c’est ma façon de redonner une place à des titres comme It's only make believe. Pas pour dire que tout est génial, mais pour expliquer pourquoi certaines chansons me parlent encore, même après toutes ces années. Et j’espère que toi aussi, lecteur ou lectrice qui passe par là, tu y trouveras ton compte.
Si tu es là, c’est sûrement que tu aimes ça toi aussi : chercher des pépites !

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