Sheila et l’Olympia : je t’aime, moi non plus
- L'Agent Secret des Chansons
- 21 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 juin
Épisode 1 : Vingt ans de frustration, une chanson, un fantasme, et une fausse première.
Précédemment dans Sheila…
Imaginez : Sheila, l’idole made in France, qui vend des disques comme des petits pains, s’invite dans tous les foyers via la télé, truste les charts, fait danser les familles entières… et pourtant, ne monte pas sur scène. Pas une seule tournée, pas un gala. Rien depuis 1964. Nada. Pendant plus de vingt ans.
Comment est-ce possible ? Bienvenue dans le feuilleton rocambolesque de Sheila et l’Olympia, une histoire à rebondissements, jalonnée de rendez-vous manqués, de promesses envolées, de fantasmes mis en musique et de réconciliations en grande pompe. Une formidable parabole sur le show-business à la française, avec en vedette une idole populaire. En ombre portée, un producteur stratège. Et en décor, la salle mythique par excellence : l’Olympia.
Spoiler : ça finit bien. Mais alors, que d’épisodes avant le happy end…
Chapitre 1 – 1964-1972 : Sheila, la star sans scène
Dès 1963, la machine est lancée. Sheila explose avec L’école est finie, puis enchaîne les tubes, fait de la télé, du cinéma, tout. Sauf… de la scène. Après une tournée avortée en 1964 pour cause d’épuisement et de maladie, Sheila est priée de ne plus trop traîner autour des coulisses de salles.
Pourquoi ? Parce que Claude Carrère.
Producteur visionnaire, stratège en gilet, Carrère préfère de loin les studios et les plateaux télé. Une Sheila sur disque, c’est propre, contrôlable, monétisable. Une Sheila sur scène ? Trop risqué. Trop vivant. Et, horreur ultime : trop libre.
Sheila, elle, en crève. Elle rêve de public, de lumières, de partage. Elle réclame, supplie, insiste.
On lui promet, parfois. Elle répète même des spectacles qui ne verront jamais le jour, qui l’inciteront à re-signer pour dix ans son contrat avec Carrère. Mais à chaque fois, une bonne raison vient tout annuler. Agenda trop serré, excuse marketing, contretemps providentiel. Le temps passe. Le fantasme grandit. Elle reste donc une idole qui ne descend jamais dans l’arène.
Chapitre 2 – 1972 : l’Olympia fantasmé dans une face B
Dix ans de carrière. Sheila est toujours partout. À la radio. À la télé. Dans les supermarchés. Chez mes cousines. Et pour fêter ça ? Pas de tournée, non. Mais une chanson : L’Olympia.
Sortie en face B de Poupée de porcelaine, ce morceau est une histoire douce-amère déguisée en chanson d’amour joyeuse. Sheila n’y est pas sur scène. Elle est planquée dans les cintres. Amoureuse… de l’éclairagiste. Oui, vous avez bien lu.
Mais moi j’y vais pour toi / Oui, moi j’y vais pour toi / Là-haut, dessous les toits…
Carrère lui offre donc un Olympia, mais en rêve. Et surtout, vu depuis les projecteurs. Le coup du fantasme transformé en chanson. Presque cruel, si on y pense. Elle qui rêve de scène, on l’enferme dans le rôle de spectatrice enamourée. De l’ombre, encore.
La scène ? Toujours pas. Mais un fantasme gravé dans le vinyle.
Chapitre 3 – 1974 : un Olympia… en papier glacé
Deux ans plus tard, l’Olympia ressurgit… dans Salut les Copains.
Un article 100 % fiction imagine une journée type de Sheila en résidence à l’Olympia.
Elle y fait tout : bain moussant, essayages chez Saint Laurent, toasts carbonisés par Ringo, loge en satin rose, danseurs en queue de pie, final brésilien. Une superproduction digne d’un Disney musical, revue par Guy Lux et Fellini.
Mais tout est faux.
Une scène ? Toujours pas.
Un concert ? Toujours pas.
Un espoir ? Peut-être.
En attendant, Sheila lit probablement l’article, un peu flattée… et beaucoup frustrée.

(suite de l'article de SLC en bas de page)
Chapitre 4 – 1985 : Enfin la lumière (mais pas encore l’Olympia)
Et puis un jour, miracle. En 1985, vingt-deux ans après ses débuts, après le disco, l’Amérique, l’album On Dit de la renaissance… Sheila remonte enfin sur scène.
Mais pas à l’Olympia. Au Zénith. Un truc tout neuf, tout moderne. Carrère, dos au mur, a dû céder. Et Sheila a brisé sa cage.
C’est une claque. Sheila en concert, ce sont seize soirées assurées, un raz-de-marée : tours géantes, costumes, danseurs, production millimétrée. Elle déboule en meneuse de revue, diva disco, bête de scène à la guitare. Elle chante, elle danse, elle vit. Elle est chez elle.
Et le public ? Il hurle de joie. Il l’attendait depuis vingt ans, lui aussi.
Carrère regarde, sans doute un peu blanc sous la cravate.
Car cette fois, il ne peut plus retenir Sheila. Elle a pris son envol.
L’Olympia ? Toujours pas. Mais la mue est enclenchée.
En guise de conclusion (provisoire)
Avant de faire de l’Olympia son terrain de jeu entre 1989 et 2012, Sheila a connu vingt ans de frustration silencieuse sans scène, ponctués de mirages :
Elle a chanté L’Olympia… sans y aller.
On a écrit des articles sur des concerts… qui n’existaient pas.
On lui a fait miroiter des répétitions, des plans, des rêves… qui s’évaporaient.
Mais elle a tenu. Elle a attendu. Elle a rêvé plus fort.
Et quand enfin elle a pu entrer dans la lumière, elle n’a plus jamais quitté la scène.
Et si l’Olympia a tant compté ensuite, c’est sans doute parce qu’il était depuis toujours un objet de désir. Une salle-fantôme devenue cathédrale. Un lieu interdit devenu terrain conquis.
Tu veux la suite ? Ne zappe pas.
Dans l’épisode 2, Sheila embrasse enfin l’Olympia, s’y installe, mais y fait directement… ses adieux (provisoires).







Merci à Jean-Louis Roggero pour les documents.
Chanson mélodiquement indigente mais qui sert de prétexte à un article intéressant, comme toujours sur ce blog. Le reportage de SLC est effectivement d'un cynisme assez cruel. Comment a-t-elle pu se prêter à cette mascarade ?…