top of page

Patrick Juvet - Mégalomania : strass, caviar et auto-dérision disco


ree

Pour illustrer la période disco de Patrick Juvet, pas de I love America ou de Lady Night, mais un titre antérieur de sa période de compositeur prolifique : Mégalomania, le dernier titre du dernier album avec Jean-Michel Jarre.


1977, Patrick Juvet sort l'album Paris by night. Le grand public garde en tête Où sont les femmes — mais les connaisseurs savent que des perles rares s’y cachent, comme Pas assez de toi ou Mégalomania, un titre disco mordant, où Juvet s’auto-caricature sous la plume de Jarre.


Dès les premiers mots, ça sent la folie douce et l’auto-dérision : Rolls en strass, caviar dans la baignoire, dollars planqués. C’est Dallas avant l’heure, mais en plus dansant, et avec une voix qui glisse comme un rideau de velours. On dirait presque que Jarre avait bu trois coupes de champagne de trop et décidé d’écrire les mémoires d’Andy Warhol.


Jarre + Juvet : la potion magique


Mégalomania, comme tout Paris by night, c’est du Jarre pur jus. Le Jarre post-Oxygène, gonflé à bloc par son succès, qui débarque en studio avec dix musiciens américains et trois batteurs — parce qu’un seul, c’est pour les radins. Le résultat ? Un son large où chaque note de basse semble porter des lunettes de soleil.


Jarre et Juvet, c’est un couple artistique fusionnel : l’un offre les mots et l’architecture sonore, l’autre apporte la mélodie et vient y poser sa voix de ténor androgyne. Ça donne des titres d'auteur capables de remplir une piste de danse comme L’enfant aux cheveux blancs, ou de faire pleurer un serveur de night-club comme Les bleus au coeur. Mégalomania est dans la première catégorie : moins tube que Où sont les femmes, mais plus savoureux pour qui aime les vices cachés.



Et puis… l’Amérique


Le problème, c’est que le conte de fées Jarre/Juvet ne dure pas. Après Paris by night, rupture artistique. Jarre part vers ses synthés cosmiques, Juvet, lui, file s’étourdir aux États-Unis. Il y rencontre Henri Belolo et Jacques Morali, déjà pères des Village People et des Ritchie Family. Et là, changement d’ambiance : adieu les raffinements, bonjour la disco en Technicolor.


Son premier album US, Got a feeling (1978), c’est le grand saut. Morali et Belolo y ajoutent Victor Willis (le flic des Village People) aux paroles. Résultat : un disque qui sent le Studio 54 à plein nez, calibré pour faire lever les bras en l’air en chemise satin. Le morceau-phare, I Love America, explose dans quinze pays. Et oui, c’est kitsch, mais c’est irrésistible. Patrick devient le Frenchie à la mode à New York. Limousines, gardes du corps, soirées où l’on croise Bianca Jagger à dos de cheval (véridique, demandez à Google).


Village People touch


L’influence de Morali et Belolo est totale : cuivres en rangs serrés, refrains martelés, arrangements clinquants. Et la recette des Village People est là : des versions ultra-longues (I love America fait 14 mn), un mélange de titres sur les femmes et d’allusions gay assumées. Patrick, bisexuel revendiqué, joue le jeu à fond. Ce n’est plus le dandy timide des débuts : c’est un entertainer complet, prêt à se jeter sur scène avec un pantalon qu’on croirait cousu directement sur lui.


Deuxième round : Lady Night


En 1979, re-belote avec Morali/Belolo pour Lady Night. Toujours en anglais, toujours calibré pour les clubs, mais avec un petit parfum de fin de règne disco qui pointe. Viva California essaie sans succès de réitérer la recette de I love America, Swiss Kiss flirte avec la parodie, French Pillow Talk joue la carte romantico-lubrique, et Gay Paris continue de brouiller les cartes. Les ventes restent bonnes en France, mais Patrick, lui, ne le sait pas encore : les années 80 vont lui demander d’autres costumes.


Retour à notre Mégalomania


Dans tout ce maelström, Mégalomania garde un charme particulier. Sortie en single après Où sont les femmes, elle n’a pas eu droit à la grande promo. Mais elle résume à elle seule un Patrick Juvet en pleine transition : l’élégance Jarre, le clin d’œil ironique à la célébrité, et déjà l’envie d’aller voir si le strass brille plus fort à Manhattan.


Et puis Patrick y montre qu’il sait se moquer de lui-même, même au sommet. Cette chanson appartient à cette poignée de morceaux qui prouvent que le disco français pouvait rivaliser avec les productions US… du moins quand on avait un Jarre derrière les manettes. Et elle marque la fin d’une ère : après elle, Juvet ne refera plus jamais un disque d'auteur aussi dansant.

Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
bottom of page