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Dusty Springfield, Charles Aznavour et une rencontre improbable : "Who (Will Take My Place)"




Dusty Springfield, c’est l’élégance discrète qui a conquis les cœurs des deux côtés de l’Atlantique. Et quand s'agissait de choisir ses chansons, Dusty avait ses préférences bien affirmées. Elle se tournait presque toujours vers les États-Unis – épicentre de la soul et du pop-rock –, délaissant le répertoire français. Who (Will Take My Place), adaptation de Qui ? de Charles Aznavour, mérite donc d’être remarquée.


En août 1968, dans les studios Philips de Londres, elle choisit de prêter sa voix magnétique à cette chanson d’Aznavour, ce maître des passions contrariées.


Un amour contrarié, version transatlantique


Avec Who (Will Take My Place), Dusty s'approprie la chanson en lui donnant son mélange caractéristique de dignité et de sensualité. L’arrangement de Keith Mansfield habille sa voix d’un léger rythme latin – subtil, sans tomber dans l’excès. Le résultat est sophistiqué, émouvant, et tout simplement magnifique.


Une chanson au parfum d'adieu


Dans Who (Will Take My Place), Dusty explore l’angoisse universelle de l’amant(e) abandonné(e), qui se demande : "Qui me remplacera ?". Sous la douceur de la mélodie perce cette vérité cruelle : l’amour est éphémère, et l’autre finira par trouver un nouvel amour...


Comparée à la version originale d'Aznavour, l’adaptation anglaise, interprétée par Dusty, conserve toute l’essence du texte – cette jalousie posthume, ce vertige du vide, même si certaines nuances diffèrent. C’est là toute la réussite : transformer une chanson profondément française en une ballade capable de toucher ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans un café parisien.


Une histoire de mots... et de fous rires


Petite anecdote : selon son frère Tom Springfield, Dusty l’aurait appelé en urgence pour discuter... d’un mot qu’elle souhaitait modifier dans les paroles anglaises. Impossible de savoir lequel, Tom ne l’a jamais révélé. Peut-être même s’agissait-il du "Who" du titre ?


Autre scène culte : lors de la première interprétation de Who (Will Take My Place) dans son émission It Must Be Dusty en 1968, elle oublie complètement les paroles en direct. La légende veut qu’elle écrivait parfois des anti-sèches sur ses bras. Entre son brushing parfait et sa grâce naturelle, Dusty restait humaine et attachante.


Moment fort : en 1969, elle chante la chanson à Cannes, lors d’une émission spéciale, avec... Charles Aznavour lui-même. Rencontre élégante entre deux géants, dans une ambiance toute en sourires et en tenues impeccables.



Dusty... Definitely : un album de transition


Who (Will Take My Place) trouve sa place sur Dusty... Definitely, quatrième album studio de Dusty, sorti en novembre 1968 au Royaume-Uni. Cet album marque un tournant : pour la première fois, Dusty est créditée en tant que coproductrice aux côtés de John Franz.


L’album est éclectique : la face A est pleine d’énergie et d’optimisme, parfaite pour danser ; la face B est plus introspective et mélancolique. Who (Will Take My Place) y trouve naturellement sa place, portée par sa sensibilité.


Malheureusement, cet album de grande qualité n’a pas rencontré le succès espéré, éclipsé par ce qui allait devenir son chef-d’œuvre : Dusty in Memphis. Au moment de la sortie de Dusty... Definitely, Dusty travaillait déjà sur son successeur aux États-Unis avec Jerry Wexler, Arif Mardin et Tom Dowd. Son single "Son-of-a Preacher Man" triomphait dans les charts britanniques et américains, tandis qu’elle multipliait les apparitions en Europe et aux États-Unis pour le promouvoir.


Herbert Kretzmer, l’architecte des mots


Les paroles anglaises de Who (Will Take My Place) sont signées Herbert Kretzmer, parolier et journaliste britannique né en 1925 en Afrique du Sud. Il est particulièrement célèbre pour ses adaptations anglaises des chansons de Charles Aznavour et pour avoir signé les paroles de la version anglaise de la comédie musicale Les Misérables. Avec son style précis et émouvant, Kretzmer a su préserver l’âme tourmentée du texte original d’Aznavour.


Conclusion : une passerelle fragile entre deux continents


Who (Will Take My Place) restera une exception touchante dans la discographie de Dusty Springfield : un pont entre la chanson française et la pop anglo-saxonne. Elle démontre combien Dusty, était l’interprète idéale des grandes chansons de l’amour et du manque. Et si Dusty nous entend quelque part, qu’elle sache : personne n’a vraiment pris sa place. Sa voix continue de nous émouvoir, de nous faire danser et parfois pleurer – souvent les deux à la fois. Et pour cela, merci.




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