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Dusty Springfield – Who gets your love : une ouverture en feu pour un album en cendres



Cameo, l’album de Dusty Springfield sorti aux États-Unis en mars 1973 est une tentative de soul adulte et sophistiquée, en partie réussie, en partie échouée. Mais dès les premières secondes, tout commence très fort : Who Gets Your Love, le morceau d’ouverture, est une claque. Une chanson qui vous happe sans prévenir, tout en douceur et en tension, et qui ne vous lâche plus.


Une production au cordeau, un bijou d’interprétation


Composée par Dennis Lambert et Brian Potter — déjà auteurs pour les Four Tops — et produite en tandem avec Steve Barri, Who Gets Your Love est l’un des quatre titres écrits spécialement pour Dusty. Dès l’intro, on entend la patte de ce trio : un piano électrique discret, des cordes signées Jimmy Haskell qui montent en vagues, une guitare et des percussions dosées au millimètre. Et Dusty, bien sûr. Toute en retenue, en fêlure maîtrisée.


Dusty incarne ici une femme blessée mais digne, qui pose la question fatale : « Quand je ne serai plus là… qui aura ton amour ? » Pas besoin de crier : elle murmure l’angoisse, elle dit la jalousie comme on se penche à l’oreille d’un être aimé. À l’arrière, les chœurs féminins résonnent comme un écho intérieur, notamment sur la phrase « People talk, people talking », qui rappelle les grandes heures de Dusty in Memphis.


Une chanson d’après l’amour


Ce n’est pas une chanson d’amour. C’est une chanson d’après. Une complainte pour une relation en train de mourir. Les mots frappent : “In your sleep you’ve been talkin’, callin’ every other name but mine.” L’amour s’éloigne, la tendresse aussi. Il ne reste que cette voix, debout dans le silence du matin, à se demander pour qui l’on bat encore.


Enregistrée le 7 août 1972 à Los Angeles dans les studios ABC Recording, la chanson sort d’abord en single le 3 mars 1973, avant d’ouvrir l’album Cameo, publié une semaine plus tard. Elle atteint la 93e place du Cashbox, avec une présence éphémère dans les classements. En Angleterre, c’est le silence radio. Pas de classement. Pas de miracle.


Un album haut de gamme… qui sonne un peu creux


Et pourtant, tout avait été mis en œuvre pour faire briller Dusty. L’album produit par Lambert / Potter a été conçu comme une pièce de luxe : Hal Blaine, Larry Carlton, Carol Kaye, Wilton Felder — une dream team des studios — assurent la section instrumentale. Ecrit en partie par Ashford & Simpson, David Gates ou même Van Morrison, tout est impeccable, mais un peu figé. Dusty elle-même, malgré quelques éclats (notamment sur Learn To Say Goodbye ou sa reprise habitée de Tupelo Honey), semble parfois noyée sous le vernis.


À l’époque, Dusty confie : « Lambert et Potter, c’est une vraie usine à hits. Je prie pour ne pas être leur première erreur. » Mais l’erreur, si erreur il y a, tient surtout à l’absence totale de promotion. Dusty ne défendra ni le single, ni l’album, ni aux États-Unis ni au Royaume-Uni. Le flop est total. L’album suivant, Longing, entamé mais jamais terminé, ne verra pas le jour. Et Dusty entre dans ce que certains appellent poliment ses “années de retrait”.


Une reconnaissance tardive


En 1979, elle avouera en interview : “Who Gets Your Love? It’s a great song. I’d like to go back and recut it. I was never happy with the vocal sound.” Elle ne renie pas la chanson. Mais en perfectionniste qu’elle était, elle regrette ce qu’on en a fait.


Il faudra attendre les années 2000 pour que Cameo refasse surface, timidement, lors d’une réédition remasterisée. Quelques collectionneurs, quelques DJs amoureux de soul vintage, et puis surtout ce morceau, Who Gets Your Love, qui devient culte. Une chanson de l’intime, du silence, du soupir au creux d’une nuit seule.


Et si on le réécoutait, ce disque “raté” ?


Cameo, avec ses imperfections, est un album sincère. Et Who Gets Your Love, c’est un chef-d’œuvre mineur qui aurait mérité un destin majeur.

Alors, maintenant que Dusty s’est tue… Qui a votre amour ?







 


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