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1969. L’heure bleue : Françoise Hardy et le crépuscule en mode optimiste

Dernière mise à jour : 27 juin


Tandis que la France découvre les joies du potage lyophilisé et du jean pattes d’eph, Françoise Hardy, elle, lève les yeux vers le ciel. Plus précisément, vers ce moment très particulier où le jour glisse doucement vers la nuit. Elle en fait une chanson : L’heure bleue.


Entre un album exigeant (Comment te dire adieu, 1968) et le solaire Soleil (1970), la chanteuse traverse une sorte de « zone crépusculaire ». Alors que d’autres courent les studios pour aligner les tubes vitaminés, Hardy compose, en retrait, cette chanson discrète, atmosphérique mais néanmoins joyeuse. Ce n’est pas un hit. C’est une face B. Mais c’est une merveille. Et elle naît dans un contexte plus orageux qu’un ciel de fin d’été.


L’heure bleue : déclaration d’amour à l’entre-deux


C’est l’heure que je préfère, on l’appelle / L’heure bleue… Françoise nous emmène dans cette heure flottante entre le jour et la nuit, cette zone floue entre lumière tiède et ombre en embuscade. Une heure où les parfums s’intensifient, où les silences deviennent éloquents. Et où l'on va retrouver celui qui fait battre son coeur.


La chanson repose sur un piano délicat (signé Jean-Pierre Sabar, que Françoise qualifie de génial), et décrit l’attente, l’amour, Paris au moment où les réverbères prennent le relais du soleil.



Les autres titres


Sortie en 1969, L’heure bleue figure en face B du 45 tours Des bottes rouges de Russie. Un titre qui pourrait être celui d’un polar sentimental. Écrite par Alain Popp, Jean-Marie Rivat et Franck Thomas, cette chanson évoque un rendez-vous mystérieux. On y imagine une pseudo-espionne au cœur tendre, perchée sur des bottes en cuir rouge, retrouvant un amour d’enfance.


Sur ce même disque, deux autres titres : Il voyage (réenregistrée en 1989) et Au fil des nuits et des journées, écrits et composés par Hardy. Deux chansons qui confirment la métamorphose en cours. Françoise prend la plume et continue de poser les bases d’une indépendance artistique encore rare à l’époque.


1969 : Françoise prend le large


C’est l’année où Françoise Hardy dit « non » à Vogue, sa maison de disques historique. Lassée par les décisions imposées, elle refuse de renouveler son contrat. Elle veut récupérer ses chansons, ses droits, son autonomie. Bref : elle veut respirer. Et comme souvent en musique, ça commence par un procès.


Le verdict tombe : Vogue garde les titres enregistrés entre 1962 et 1967. Françoise obtient les droits des morceaux produits à partir de 1967 via sa société AsparagusL’heure bleue incluse. Une victoire en demi-teinte, mais une liberté acquise.

Résultat : elle fonde Hypopotam pour la production, Kundalini pour l’édition. Une renaissance. Un peu d’encens, beaucoup de détermination.


Loin des scènes, près du cœur


Mais pour les fans qui rêvent de la voir sur scène, inutile d’espérer. Hardy tourne le dos aux projecteurs. Elle préfère la solitude du studio à la lumière des galas.

Et ironie du sort : au moment même où elle veut s’effacer, le succès la rattrape avec Comment te dire adieu, sorti l’année précédente. Elle brille à nouveau dans les classements, mais elle, elle regarde ailleurs. Ou plutôt, elle regarde le ciel à 19h27. Vous savez, cette fameuse heure bleue


Une chanson au parfum d’éternité


L’heure bleue, ce n’est pas qu’une chanson. C’est aussi un parfum mythique de chez Guerlain. Créé en 1912, il évoque exactement ce que chante Hardy : ce moment suspendu, olfactif, sensuel, presque irréel. Coïncidence ? Bien sûr que non. Hardy et Guerlain partagent cette classe discrète, ce goût de l’évanescence élégante.

La chanson connaîtra une petite carrière discrète à l’étranger. En Allemagne notamment, où elle donne son nom à une compilation sortie en 1970. Oui, même outre-Rhin, on sait reconnaître une petite poésie crépusculaire quand elle passe.


Après l’heure, c’est encore l’heure


En 1970, Françoise passe à l’étape suivante. Elle s’associe avec Sonopresse pour distribuer ses disques et publie une compilation sobrement intitulée Françoise, qui contient L’heure bleue. Puis elle enchaîne avec Soleil, une nouvelle pierre dans sa cathédrale personnelle. Et ce n’est pas fini : l’apogée viendra en 1971 avec La question, chef-d’œuvre absolu selon elle (et pas que selon elle).

 

Et L’heure bleue dans tout ça ? Elle reste, tapie dans un coin de vinyle, discrète mais inoubliable. Hardy n’a jamais eu besoin de crier. Sa force, c’est le murmure. Son arme, c’est la nuance. Et si on devait redéfinir le rock, ce serait peut-être ça : ne pas plaire à tout le monde, mais dire ce qu’on pense, avec style.


Et à ce jeu-là, Françoise Hardy est plus rock que bien des tatoués.


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