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“Et même”, ou comment pleurer avec élégance (un Phil Spector sous le bras)

Dernière mise à jour : 17 juin


1964 - Avant de plonger dans la mélancolie douce de cette chanson de rupture , replantons le décor.

 

 Françoise Hardy, 20 ans, déjà fatiguée de ses propres chansons.

 

“Je me rends compte que, contre toute attente, mes chansonnettes valaient davantage par les mélodies”, confiera-t-elle plus tard avec une modestie franche. Traduction : les paroles ne volaient pas très haut, mais musicalement, c’était pas mal pour une autodidacte.

 

À ce moment-là, Françoise a déjà tout d’une idole : des tubes en cascade, une allure iconique, et un flair certain pour la désillusion amoureuse. Mais voilà, elle rêve d’Angleterre, d’arrangements sophistiqués, loin des platitudes de l’Hexagone. Il faudra insister, batailler contre Jacques Wolfsohn, son directeur artistique pas vraiment open sur l’idée. Mais elle y arrivera.

 

 Londres calling : les studios Pye, la révélation Blackwell

 

C’est donc à Londres, dans les mythiques studios Pye, qu’elle va enfin donner corps à ses aspirations. On y croise Tony Hatch, Bob Leaper, et surtout Charles Blackwell, l’homme qui saura traduire ses bruissements intérieurs en arrangements pop et raffinés. Quand elle lui demande d’“imiter un peu Phil Spector”, il ne rechigne pas. Le résultat ? Une chanson comme Et même, loin de la première version qu’elle avait déjà enregistrée, où Françoise chante mieux, plus habitée, portée par ces orchestrations enfin à la hauteur de sa mélancolie chic.

 

 Et même, ou le désenchantement en gants blancs

 

Venons-en à la chanson, une originale 100% Françoise. Deux minutes, pas une de plus. Et pourtant, tout y est : la suspicion, la douleur rentrée, le pardon qui se refuse, la confiance brisée. Hardy, fidèle à son style : elle vacille avec grâce.

 

Le doute est là, tout de suite. Lui dit que tout va bien. Elle voit une étrangeté dans ses yeux. Une trace. Une fille, dans ses bras. Et c’est fini. Même si ce n’était “qu’un caprice d’un instant”, il y a un ressort interne qui s’est cassé.

 

Un 45 tours méconnu, mais pas mineur

 

La chanson sort au printemps 64 sur un super 45 tours éponyme, accompagné de Tout me ramène à toi, Apprends-le moi et C’est le passé (adaptation d’un titre de Dusty Springfield) — autant dire un quatuor déprimé de compétition. Pas de tube évident, mais une atmosphère cohérente sur la rupture.

 

Et puis vient l’album, le troisième, sans nom officiel à l’époque, mais désormais connu sous le titre Mon amie la rose. Là encore, Et même figure en bonne place, avec la nouvelle orchestration Blackwell, plus ample, plus spectrale. La version définitive.

 

Jimmy Page dans les coulisses, le Swinging London dans le rétro

 

Petit détail qui tue : sur ce disque, deux titres comptent un guitariste de session pas encore célèbre nommé… Jimmy Page. Oui, le futur Led Zeppelin vient gratter derrière les doutes sentimentaux de Françoise. Comme quoi, le rock et la fragilité ne sont jamais très loin.

 

Au-delà de Page, c’est toute l’ambiance du Swinging London qui imprègne l’album. Hardy adopte le look, les poses, les harmonies feutrées des studios anglais. Sans jamais lâcher sa singularité.

 

Une chanson restée dans l’ombre… mais pas pour tout le monde

 

Ce texte totalement imaginaire exprime ce qu’aurait été — je peux aller jusqu’à dire ce qu’a été — mon ressenti dans ce genre de situation.

 C’est Françoise qui le dit. Et comme souvent avec elle, le flou entre réalité et fiction donne toute sa puissance à la chanson.

 

Si Mon amie la rose est la grande dame du disque, Et même préfigure la Françoise Hardy, plus adulte, plus exigeante, plus en phase avec son époque intérieure.

 

Alors la prochaine fois que vous êtes tenté d’écouter du Françoise Hardy, passez Et même. C’est court, plus cruel qu’on ne le pense. Comme un mot qu’on n’ose pas dire, mais qu’on fredonne en boucle.

 

Et même si vous pensez ne pas être touché… vous l’êtes déjà.

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Guest
Jun 30

Et Même version Blackwell classée 31 dans les charts anglais, suivra une version anglaise However Much. Classée en Italie en 67 avec la version italienne, I Sentimenti (11ème). Version allemande inédite, Die Andere, dans le coffret 62/67 sorti début juin.

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