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« Sur un fil » avec Sylvie Vartan : quand la pop française est en équilibre

Dernière mise à jour : 9 juin


1967 – Sur un fil, chanson un peu oubliée de Sylvie Vartan, fait partie de ces titres précieux glissés dans un coin d’album ou de 45 tours. Pop et entêtant, il mérite aujourd’hui qu’on s’y attarde.


Le contexte : l’album "Comme un garçon"


Nous sommes en décembre 1967. Le monde bouillonne de changements culturels, le psychédélisme envahit les garde-robes des stars, les guitares grincent, et les chanteuses yéyé françaises explorent peu à peu une pop plus sophistiquée.


Sylvie Vartan, elle, clôt son année avec un album sobrement baptisé Sylvie (désormais connu sous le titre Comme un garçon). Douze chansons, toutes originales – ce qui n’était pas si courant à l’époque – et parmi elles, ce Sur un fil, si délicat et si bien construit.


Jean Renard et Eddie Vartan : un duo de confiance


La chanson est signée Jean Renard pour les paroles, Eddie Vartan pour la musique. Un binôme qui fonctionne comme un vieux couple : l’un raconte, l’autre brode autour avec sa guitare. Et il faut bien le dire, avec Sur un fil, ils s’accordent parfaitement.

Renard s’amuse ici avec toutes les images possibles autour du mot "fil" : fil du temps, fil du téléphone, fil de l’eau, fil du vent… Un vrai jeu de construction poétique, à la fois simple et subtil.


Ce tissage d’expressions donne à la chanson sa richesse : l’amour qui vacille, suspendu, comme une araignée au bout de son fil.

La trame est claire : un amour fragilisé par l’éloignement, la routine, les communications trop rares. Le téléphone, ici, devient l’image même du lien qui subsiste.


Des arrangements pop à l’anglaise validés par Dusty Springfield (enfin presque)


Musicalement, c’est une petite perle pop. Les arrangements à la Swinging London sont signés Eddie Vartan et Reg Guest, l’un des arrangeurs les plus demandés du moment.


La chanson ne cherche pas l’effet facile, elle préfère l’élégance discrète. Une ambiance feutrée, un rien mélancolique, très britannique dans l’âme.

Alister, dans Schnock, l’a même comparée à du Françoise Hardy de contrebande — et franchement, ce n’est pas une insulte. D’ailleurs, Sylvie et Françoise ont bel et bien chanté ce titre en duo à la télévision en 2010, dans une séquence inattendue et savoureuse.


Le 45 tours "L’Oiseau" : un bijou pop signé Sylvie


En mars 1968, RCA sort l'EP L’Oiseau, sur lequel figure également Sur un fil. En face B, on trouve Quel effet ça m’a fait et Elle est partie. Un condensé de pop française aux tonalités variées.


L’Oiseau, par exemple, pousse Sylvie dans les aigus, sur fond de bruitages pop. On pense aux Beatles, à Lucy in the Sky, au kitsch assumé de la fin des sixties.

Eric Charden compose, Monty et Franck Gérald signent les paroles : une équipe de haut vol (déjà à l’origine des Papillons pour Sheila !).


Quel effet ça m’a fait, de son côté, joue sur l’ambiguïté. On attend la révélation de ce qui fait tant rougir Sylvie. Un baiser ? Autre chose ? Le doute plane, gentiment coquin.


Et puis il y a Elle est partie, morceau étonnant marqué par l’arrivée d’un sitar. Encore une fois, l’influence des Beatles plane. Le texte, lui, évoque une femme qui part refaire sa vie ailleurs. C’est simple, presque sociologique, et plutôt bien vu.

 

L’album "Comme un garçon" : une pierre angulaire dans la discographie de Sylvie Vartan


L’album Comme un garçon, dont sont extraites ces chansons, est un jalon important dans la carrière de Sylvie. L’enregistrement s’est fait à Londres, en une seule nuit dit-on, avec les orchestrations de Reg Guest et Arthur Greenslade.


La pochette, signée Pasqualini (pseudo de Charles Matton), montre une Sylvie sophistiquée au milieu des nuages. On y devine déjà l’image plus adulte qu’elle adoptera ensuite.

L’album sera diffusé dans le monde entier : Afrique du Sud, Japon, Canada, États-Unis… C’est dire l’aura de Sylvie à cette époque.


Mais si 1967 s’achève en beauté, 1968 sera une année bien plus sombre pour la chanteuse. Son grave accident de voiture, le 11 avril, la laissera longtemps marquée. Elle s’en remettra, et c’est ensuite en 1968 qu’elle enregistre Irrésistiblement et La Maritza, deux de ses plus grands succès. Le virage est enclenché.


"Sur un fil" : la chanson fragile qui tient encore debout


Alors Sur un fil, dans tout ça ? Ce n’est pas un tube, ce n’est pas un manifeste. C’est un instant suspendu, une chanson posée sur une ligne fragile entre la variété et la pop.


C’est un peu ça, le charme de certaines chansons de Sylvie : elles ne cherchent pas à tout casser, elles savent juste se faufiler dans nos souvenirs et y rester. En tout cas dans les miens...


Alors si Sur un fil croise votre chemin, au détour d’une playlist bien inspirée, ne passez pas votre tour.

Tendez l’oreille. Et laissez ce fil vous rattraper doucement.

 

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