top of page

...so einen jungen Mann : quand France Gall chaloupe en allemand

Dernière mise à jour : il y a 3 jours



Novembre 1968, tandis que la France s’apprête à enterrer son rêve soixante-huitard sous les premiers frimas de l’hiver, de l’autre côté du Rhin, France Gall balance un 45 tours enjoué sous le label Teldec. La face A, Merci, Herr Marquis, est une polka-pop aux guitares saturées et aux chœurs effervescents, où notre héroïne remercie poliment un noble prétendant un peu trop insistant. Mais en face B se cache ...So einen jungen Mann, une bossa-nova allemande qui laisse rêveur.


Une bossa-nova made in Teldec


À l’origine, la mélodie n’a rien de germanique. Il s’agit en fait d’une adaptation de Samba de Verão, un chef-d’œuvre de la bossa-nova signé Marcos Valle en 1964. Une composition solaire, langoureuse, qui évoque les après-midis nonchalants sur les plages de Rio. Sauf que voilà, dans cette version, le texte allemand, dense et cadencé, laisse à peine le temps à France Gall de respirer. Résultat : une interprétation qui court après la mélodie, là où l’original prenait le temps de lézarder sous le soleil brésilien. Mais si on n’a pas en tête la référence originale, la chanson se révèle assez agréable à écouter…


Une carrière allemande méconnue


Si le titre semble anecdotique dans l’hexagone, il s’inscrit pourtant dans une période charnière de la carrière de France Gall. En 1967, elle signe un contrat de cinq ans avec Teldec et devient, en parallèle de son parcours français, une vedette allemande.


Le public français l’ignore presque totalement, comme si le Rhin marquait une frontière étanche entre ces deux réalités. Et pourtant, pendant cinq ans, France Gall passe ses semaines entre les studios d’enregistrement et les plateaux télé allemands, enchaînant les disques avec un répertoire taillé sur mesure pour le marché d’outre-Rhin.


Teldec, maison mère de Telefunken et Decca, édite pas moins de seize 45 tours de la chanteuse. À l’exception de quelques titres adaptés de son répertoire français (Bébé Requin devenant par exemple Haifischbaby), la plupart des morceaux sont inédits en France. Autrement dit, il existe une France Gall parallèle, une Gall-Schlager, qui écume les classements allemands sans jamais franchir la frontière.


Schlager et expérimentations pop


Si le marché allemand raffole du Schlager (ces mélodies sucrées aux rythmes bien carrés), France Gall ne se contente pas toujours de suivre la recette. Elle s’aventure aussi dans des territoires plus inattendus. A Banda, par exemple, est une adaptation germanique d’un classique de Chico Buarque, un samba-fanfare qui enflamme les rues de Rio. Der Computer Nr.3 joue avec la science-fiction en mode pop, tandis que Ich liebe dich, so wie du bist est signé… Giorgio Moroder ! Oui, le même qui électrisera le disco des années 70 avec Donna Summer et recevra des hommages de Daft Punk en 2013.


Mais alors que certains titres explorent des contrées audacieuses, d’autres s’inscrivent dans une veine beaucoup plus standardisée. C’est la grande différence entre sa carrière française et allemande : alors qu’en France, elle bénéficie des orchestrations élégantes d’Alain Goraguer, en Allemagne, la production se veut plus lourde, plus calibrée pour le marché local. En témoignent des morceaux comme Was will ein Boy ou Mein Herz kann man nicht kaufen, où la mélodie prime sur toute subtilité.


Trois participations au Schlager-Wettbewerb


France Gall ne se contente pas d’être une voix parmi d’autres dans le paysage pop allemand. Elle participe trois fois au grand concours Schlager-Wettbewerb, sorte d’Eurovision local dédié aux chansons populaires. Elle y décroche deux troisièmes places, preuve que son style séduit. Pourtant, en 1972, après cinq ans de fidélité à Teldec, elle décide de tourner la page et met un terme à cette carrière parallèle. À l’exception d’un dernier disque chez BASF, France Gall quitte définitivement le marché germanique pour se concentrer sur sa carrière en France, qui prendra son envol avec Michel Berger quelques années plus tard.


...so einen jungen Mann, une des meilleures pépites de cette période


Alors, que reste-t-il de cette bossa-nova version express ? France Gall, même un peu pressée, garde son charme espiègle et son timbre délicieusement juvénile et cette chanson mérite d’être redécouverte. Derrière le vernis Schlager, il y a de vraies pépites comme celle-ci et aussi quelques expérimentations parfois étonnantes. Alors, si vous voulez entendre la voix de la Poupée de cire dans un contexte totalement différent, il est temps d’aller fouiller du côté de ses 45 tours allemands. Vous pourriez bien être surpris.






Comments


bottom of page