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Sheila, 1969–1970 : la trilogie baba cool



On connaît la Sheila des couettes et du twist, celle des tubes 70s et des tenues Azzaro, puis la chanteuse disco qui brille à l’international. Mais entre les yéyés et Spacer, il existe une période de transition un peu oubliée, où Sheila, à 24 ans, cherche à se réinventer. Une parenthèse douce et psychédélique, une escapade fleurie qui tient en trois chansons : "La colline de Santa Maria », « Du côté d'où viendra le jour » et "Le soleil est chez toi".


Trois titres comme autant de tentatives pour capter les ondes du temps, suivre le vent sans perdre le nord. Car 1968 est passé par là, et soyons clairs : en 1969, Sheila et les ex-yéyés ne sont plus à la pointe. La fraîcheur des débuts, c’est déjà du passé. Il faut évoluer. Johnny chante San Francisco et Jesus Christ, France Gall sort Chanson indienne, Michel Delpech prend le ferry pour l’île de Wight. Sheila, elle aussi, prend le virage. Et elle l’assume.


Dans une interview bien plus tardive, elle le dira sans détour :

« L'après 1968 a été compliqué pour tous les yéyés, finalement. C'était l'époque de Woodstock, des hippies. C'est pour ça aussi qu'on a changé de look, que j'avais mes robes baba cool et Johnny ses colliers de fleurs. On a essayé de suivre la vague. »


La colline de Santa Maria : le début du trip


L’aventure commence le 9 juin 1969 avec la sortie du 45 tours Love Maestro Please. Si le titre principal reste une ballade orchestrale classique, c’est en face B que se cache une petite pépite : La colline de Santa Maria.


Signée par le trio habituel – Jacques Plante, Jean Claudric et Claude Carrère – cette chanson est une ode pastorale à un ailleurs rêvé. On y parle de lavande, de ciel d’été, d’une chapelle magique qui réunit les amants. L’ambiance est mystique mais dansante, plus Woodstock que Vatican.


Sheila interprète ce titre à la télévision, notamment dans Super Chansons et Champions en septembre 1969. Elle y apparaît vêtue d’une tunique verte, d’un pantalon en velours et d’un bandeau, le tout signé Jean Bouquin – le couturier des chanteuses libres, de Bardot à Laforêt. La chorégraphie, imaginée par Jean Schmitt, évoque une sorte de communion païenne. Sheila n’est plus la gamine yéyé : elle devient oracle baba cool!


Du côté d'où viendra le jour : la quête utopique


Quelques mois plus tard, le 3 novembre 1969, sort le 45 tours Oncle Jo. Si le morceau-titre est promu à la télévision, notamment avec Henri Salvador, c’est une autre chanson qui nous intéresse ici : Du côté d’où viendra le jour.


Les paroles, signées Pierre Cour – celui de Tom Pillibi et L’amour est bleu, succès à l’Eurovision – évoquent une fuite volontaire, une rupture douce avec un monde décevant. Un départ à deux vers une terre d’harmonie :

« Partons ensemble, du côté d’où viendra le jour ».


La musique, toujours orchestrée par Jean Claudric, se teinte de cordes aériennes, de cuivres feutrés, d’effets d’écho qui enveloppent la voix de Sheila et des choristes. Un équilibre entre chanson française classique et ambiance psyché douce.


Le titre ne bénéficie d’aucune promotion télé. Il ne deviendra ni un tube, ni un classique. Et pourtant, il incarne à lui seul ce moment où les idoles cherchent leur place dans un monde qui change.


Le soleil est chez toi : fin de l’échappée, retour au port


Dernier chapitre de cette trilogie, Le soleil est chez toi paraît le 9 mars 1970, sur le 45 tours Julietta. Alors que Julietta joue la carte hispanisante et L’agent secret flirte avec la parodie, Le soleil est chez toi offre un retour à l’intime.


Le message est simple : après avoir couru le monde, peut-être que le bonheur était tout simplement là, juste à côté. C’est l’heure de la redescente, du recentrage.

« Ne cherche plus et reviens-moi / Le soleil est chez toi. »


Le morceau est signé Carrère, Plante, Ibach et Monty. Une douce mélancolie s’en dégage, comme un réveil après un rêve éveillé. Le besoin d’évasion laisse place à la réconciliation avec le quotidien. Elle accompagne en quelque sorte la fin des années hippies.


À la télévision, en mars 1970 dans Télé Dimanche, Sheila apparaît en maxi-jupe et boléro pour interpréter ce titre. Une femme en transition, entre la jeune fille des sixties et l’icône à venir.


Trilogie inaperçue, mais pas vaine


Aujourd’hui, ces trois chansons ne figurent dans aucune compilation majeure. Elles ne sont citées dans aucun best-of, aucun top 10 de Sheila. Et pourtant, elles racontent, à leur manière, l’histoire d’une mutation. D’une artiste et d’une équipe qui tentent, qui cherchent. Qui avancent. Sheila n’a jamais prétendu être Janis Joplin. Mais elle a su, à sa manière, rêver un peu plus loin que les paillettes.


Alors, si un jour vous tombez sur La colline de Santa Maria, Du côté d’où viendra le jour ou Le soleil est chez toi, ne zappez pas. Écoutez. Et souvenez-vous qu’à cette époque, même les idoles essayaient de suivre le soleil.

Et parfois, il était déjà chez elles.






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