Say Goodbye to Hollywood : Bette Midler fait ses valises
- L'Agent Secret des Chansons
- 23 juin
- 3 min de lecture

Automne 1977. Tandis que le disco fait trembler les boules à facettes et que New York tangue entre paillettes et banqueroute, Bette Midler dégaine Broken Blossom, son quatrième album studio. C’est son deuxième disque de l’année, après le flamboyant live Live At Last. Mais cette fois, Miss M range les plumes, se passe (momentanément) des Harlettes, et met sa voix à nu. Une Midler plus sobre, plus subtile… mais toujours avec du mordant. Et au milieu de ce patchwork sonore, un titre qui claque : Say Goodbye to Hollywood.
Une chanson signée Billy Joel, remixée à la sauce Midler
À l’origine, c’est une chanson de Billy Joel, sortie en 1976 sur Turnstiles. Il y chantait son retour à New York, après trois années passées à Los Angeles. Une rupture géographique, mais aussi sentimentale, portée par une rythmique empruntée au Be My Baby des Ronettes, et une prod’ façon Phil Spector — grandiloquence incluse. Bobby, le héros du morceau, file en bagnole de location, cap sur l’inconnu.
Dans la version de Bette Midler, c’est autre chose. La nervosité est toujours là, mais couverte d’un voile dramatique. Sa voix flotte dans un écrin d’écho, et Say Goodbye to Hollywood devient un vrai titre de girl band fantasmé. Bobby, c’est un type paumé. Hollywood, une amante déçue. Et Bette ? Elle semble y dire adieu à son propre cirque : celui des projecteurs cruels, des illusions en Technicolor et des déceptions qui collent au coeur.
Broken Blossom : entre fleurs coupées et parfum entêtant
Produit par Brooks Arthur (le gars derrière At Seventeen de Janis Ian et I Go to Rio de Peter Allen, toutes deux d’ailleurs reprises en français par Claude François), Broken Blossom est un album caméléon. On y croise le rock de Sammy Hagar, les effluves d’Édith Piaf, du jazz, du blues, un duo improbable avec Tom Waits et même une chanson Disney.
Enregistré entre le Record Plant et Studio 55 à Los Angeles, le disque mise sur des arrangements luxueux et des musiciens de haute volée. C’est varié, parfois déroutant, mais toujours tenu par la voix magnétique de Midler, tour à tour caressante ou rageuse.
Les autres pépites de l’album ? En voici quelques-unes :
I Never Talk to Strangers, duo de comptoir avec Tom Waits, est un slow déglingué entre un piano bar et tension sexuelle (NB : à l'époque les deux chanteurs vivaient une relation intermittente).
Storybook Children, seul single extrait de l’album, est une ballade pleine de tendresse, et Paradise, reprise de Harry Nilsson, sonne comme une prière pop orchestrée avec ses chœurs éthérés et sa production à la Spector.
Red la montre en rockeuse flamboyante, presque garage band, dans un exercice court mais intense.
Empty Bed Blues ressuscite Bessie Smith avec des tripes et du théâtre, tandis que Yellow Beach Umbrella brille comme une chanson d’été qui aurait mis des lunettes de soleil en hiver, que Bette défendra toujours comme "le single qui aurait dû marcher".
Une couverture hollywoodienne et un clin d’œil qui aurait fait du bruit
La pochette ? Signée George Hurrell, photographe légendaire des stars des années 30. Midler y est solaire, rétro-glam, mi-Garbo mi-flamboyante. Au dos, une photo d’elle en soutien-gorge, tirée d’une idée avortée de titre d’album : So Many Mammaries. Atlantic a mis le holà. L’humour, chez Bette, c’est dans l’ADN. Même dans les refus.
Say goodbye to qui, exactement ?
Avec Say Goodbye to Hollywood, Midler ne fait pas que revisiter Billy Joel. Elle se livre, à sa manière. Car fin 77, elle sort aussi d’une longue tournée « sold-out », d’un album live, d’un TV show réussi, et amorce un virage. Elle se cherche une nouvelle voie — plus musicale, plus intime, moins clinquante. Et ce disque, qu’on pourrait croire inégal, est en réalité une mue. Un album de transition. Pas de tube à l’horizon, mais une voix plus belle que jamais, des critiques élogieuses, et un public fidèle, même quand les chiffres ne suivent pas.
Le titre connaîtra une seconde vie un an plus tard, à l’occasion de la sortie en Europe et en Australie du premier Best of de l’artiste The Best of Bette, dont Say Goodbye to Hollywood sera extrait en single. Elle restera une chanson d’au revoir, mais pas de retraite. Juste le début d’un nouveau chapitre, deux ans avant The Rose, moins pailleté, plus authentique. Et toujours brillamment chanté.

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