Le Premier Chagrin d’Amour – France Gall ou la classe oubliée

En 1964, France Gall enchaîne les succès et s’impose comme une figure incontournable de la pop yéyé. Son air malicieux et sa voix reconnaissable lui assurent une place de choix dans les playlists de l’époque. Grâce à Laisse tomber les filles, signée Serge Gainsbourg, elle assoit encore un peu plus son statut. Pourtant, cette face A emblématique cache une autre chanson, bien moins connue mais intéressante : Le premier chagrin d’amour.

Une chanson élégante, sobre, avec un vrai charme. Mais comme souvent avec les chansons un peu plus subtiles, elle est restée dans l’ombre. Il est temps de lui redonner une place.

Un titre soigné mais oublié

Sorti sur son quatrième EP, Le premier chagrin d’amour aurait mérité un peu plus de lumière. Son compositeur, Claude-Henri Vic, n’est pas un inconnu : il avait écrit Un premier amour, qui permit à Isabelle Aubret de remporter l’Eurovision deux ans plus tôt. Une histoire de "premier amour" qui semble le suivre.

Pour les paroles, on retrouve Robert Gall, le père de France. Il livre ici un texte on ne peut plus simple : la première peine de cœur, ça fait mal, on nous l’avait dit, mais on ne savait pas que ça ferait si mal. Tout est dit. La chanson se termine sur une note plus légère, comme pour rappeler qu’un premier chagrin d’amour n’est jamais qu’une étape...

Une orchestration élégante

Ce qui distingue Le premier chagrin d’amour de bien d’autres titres de l’époque, c’est son orchestration. L’arrangement est plus travaillé qu’il n’y paraît. On y retrouve des sonorités qui rappellent les productions Burt Bacharach pour Dionne Warwick : élégantes, raffinées, avec une vraie recherche mélodique. Un luxe pour une production française de 1964, qui misait plus souvent sur des mélodies accrocheuses que sur une instrumentation sophistiquée.

Laisse Tomber les Filles – Gainsbourg en mode règlement de comptes

Si le premier chagrin d’amour a été reléguée à l’ombre, c’est aussi parce que le titre principal de l’EP a pris toute la place. Laisse tomber les filles est la seconde livraison pour France Gall après N’écoute pas les idoles et c’est du Gainsbourg pur jus : mordant, direct, avec une vraie modernité pour l’époque.

Une chanson où dès les premières notes, le ton est donné. La guitare claque, la batterie marque le rythme avec une précision quasi-militaire et France Gall balance ses paroles avec assurance.

L’instrumentation est d’une efficacité redoutable. On est presque dans l’énergie du garage rock, avec une tension palpable tout au long du morceau. C’est aussi pour ça que Laisse tomber les filles a su traverser les décennies, notamment grâce à Quentin Tarantino, qui l’a indirectement remise en avant avec Chick habit, la version d’April March.

Une chanson qui mérite d’être redécouverte

Alors oui, Le premier chagrin d’amour n’a pas connu le même destin. Elle n’a pas eu droit aux reprises et aux clins d’œil dans des films cultes. Mais ce n’est pas une raison pour l’oublier.

Malgré ses paroles naïves, son orchestration classe et la voix toujours juste de France Gall méritent qu’on lui accorde une écoute. Après tout, un premier chagrin d’amour, on finit par l’oublier... mais une bonne chanson, ça reste.

France Gall Chante Le premier chagrin d’amour à la TV