Plus de chansons tristes – Sheila : le blues des cœurs brisés
- L'Agent Secret des Chansons
- 5 janv.
- 2 min de lecture

En 1972, aimer Sheila, c'était déjà un peu un plaisir coupable. À la télé, on ne voyait qu'elle, ses disques se vendaient par centaines de milliers, mais à l’école, on parlait surtout de rock anglais et américain. Pourtant, quand j'ai découvert le 45 tours Samson et Dalila, j'ai tout de suite accroché. La face A, c'était une histoire biblique revisitée avec une mélodie entraînante, et un titre plus décalé, tout le contraire d'un rock, se cachait en face B : Plus de chansons tristes, une chanson réaliste à l’accordéon, plus mature, qui m’a tout de suite marqué.
Un Don Juan de banlieue, bien trop banal
Derrière un titre qui sonne comme une déclaration d’intention (“Ne me chantez plus de chansons tristes !”), Sheila y parle d’un beau parleur qui promet monts et merveilles avant de disparaître sans laisser de trace. Il se prend pour un séducteur, mais au final, c’est juste un Don Juan de seconde zone qui brise des cœurs sur un quai de gare.
Quand Carole King rencontre Pierre Delanoë
À l'origine en 1971, No Sad Song, écrite par Carole King et Toni Stern, a été interprétée en anglais puis en français par la chanteuse d’origine australienne Helen Reddy.
Robert Christgau, le redoutable critique du Village Voice, trouvait que Carole King avait raté une belle occasion d'interpréter elle-même ce morceau bien plus corsé que son répertoire habituel, avec son histoire d’homme à femmes poignardé dans son lit...
L’adaptation par Pierre Delanoë (à qui on doit quelques milliers de chansons, dont entre autres La Maritza pour Sylvie Vartan ou Le Bal des Laze de Polnareff) conserve l’essentiel du message tout en l’adoucissant un peu (plus de meurtre!) et renforce le côté amer de la chanson : une femme trahie qui refuse de se complaire dans la douleur.
La face B qui voulait exister
Contrairement à beaucoup de face B destinées à rester dans l’ombre, Plus de chansons tristes a eu droit à une vraie mise en avant. Sheila l’a chantée dans plusieurs émissions télé comme Télé Dimanche, Midi Trente ou Cadet Rousselle. On peut donc logiquement penser qu’elle y croyait.
Un autre mystère entoure cette chanson : j’ai toujours cru entendre Ringo, futur mari de Sheila, dans les chœurs. Ce ne serait pas improbable, vu qu’il venait de débuter chez Carrère en 1971. On s'en moque un peu mais on ne saura jamais vraiment…
La version originale d’Helen Reddy n'avait pas vraiment convaincu les charts américains. Trop agressive envers les hommes, apparemment. En France, Sheila apporte une touche d’élégance tricolore à ce constat de femme bafouée, même si le fond reste le même : plus d'imposteurs, plus de larmes. Pas sûr que le message prémonitoire ait été entendu par son propre Don Juan de Toulouse… mais ça, c’est une autre histoire.


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