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Paul McCartney - Junk, ou l'art de sublimer l'insignifiant



Junk. Une chanson qui aurait pu être un classique des Beatles… mais qui a fini au rayon des occasions. Ironique, non ? Paul McCartney l’écrit en 1968, quelque part entre les effluves d’encens et de thé au gingembre en Inde, alors que les Beatles s’essaient à la méditation transcendantale sous la houlette du Maharishi Mahesh Yogi. Entre deux séances d’introspection, Paul gratte tranquillement sa guitare et accouche de ce petit bijou minimaliste. Un mélange de douceur, de mélancolie, de simplicité. Un grenier musical rempli d’objets oubliés — et d’émotions intactes.


Pourquoi les Beatles n’en ont pas voulu ?


En mai 1968, Paul présente Junk à ses camarades lors des fameuses démos d’Esher, dans la maison de George Harrison. Mais dans le chaos créatif du White Album, la chanson passe à la trappe. Trop douce ? Trop discrète ? Trop Paul, peut-être. Elle réapparaît brièvement lors des sessions de Let It Be, sous forme de parodie en faux français, car Paul y tenait encore un peu… sans trop y croire.


McCartney : l’album du repli… et du grand saut


Début 1970, Paul est au bord du gouffre. Les Beatles sont sur le point d’exploser, et lui se replie dans sa ferme avec Linda, sa guitare, et un enregistreur quatre pistes. Il se coupe du tumulte, enregistre seul, presque clandestinement. Ce sera McCartney, son premier album solo. Un disque brut, dépouillé, sincère. Junk y trouve enfin sa place, comme une berceuse pour objets perdus. Et parce qu’il semble vraiment l’aimer, Paul en propose deux versions : l’originale, chantée, et Singalong Junk, une variation instrumentale douce-amère, portée par un piano presque timide.


C’est d’ailleurs Junk qui, à mes yeux, résume tout ce que j’aime chez lui. C’est ma chanson préférée du disque. Paul n’est jamais aussi bon, aussi juste, que dans les ballades. Et ici, il touche quelque chose de fragile, de vrai, sans effet de manche.


Mais ce premier album solo fait aussi des vagues. McCartney devance Apple et sort son disque avant celui des Beatles. La presse et les fans crient à la trahison. L’annonce officielle de la séparation du groupe, via un communiqué expéditif de Paul, fait l’effet d’une bombe. Entre règlement de comptes et gueule de bois collective, "McCartney" est perçu comme un album de rupture, au sens propre comme au figuré.

 

Une poésie du quotidien


Dans Junk, McCartney dresse l’inventaire d’un petit monde oublié : bicyclettes pour deux, bottes militaires, valises vides, chapeaux cabossés… Un bazar poétique, presque enfantin. Mais au détour du refrain, la rengaine devient : “Buy, buy” dit l’affiche. “Why, why?” murmure la ferraille abandonnée. Un soupçon de critique de la société de consommation, un regard attendri sur le temps qui passe, ou juste une jolie chanson sur le bric-à-brac de la vie ?


Le temps lui a donné raison


Junk, longtemps négligée, a finalement trouvé sa place dans le cœur des fans. John Denver, Cilla Black, Jeff Lynne, même un quatuor à cordes s’y sont essayés. Et Paul, dans les années 90, l’a ressortie pour son MTV Unplugged. Comme quoi, même les vieilles bricoles finissent par retrouver une seconde jeunesse.


Mais surtout, "Junk" témoigne de ce don unique qu’il a toujours eu : transformer les choses les plus simples en pure magie sonore. Une chanson oubliée, finalement précieuse.


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