Mrs Vandebilt – Paul McCartney : Ho Hey Ho!
- L'Agent Secret des Chansons
- 10 juin
- 3 min de lecture

Mrs Vandebilt n’a pas été écrite pour conquérir les charts, ni même pour émouvoir les foules. C’est une private joke mise en musique, un pied de nez à la gravité, à la critique, et à l’ennui. McCartney, au sommet de son art post-Beatles, s’offre ici un exercice de style aussi décontracté que brillant.
Tout commence avec une citation — et pas de n’importe qui. "Down in the jungle, living in a tent / Better than a prefab – no rent!" , est emprunté à Charlie Chester, humoriste britannique des années 1940, qui ouvrait ainsi ses émissions radiophoniques.
Studio sauvage à Lagos : groove sous pression
Comme presque tout Band on the Run, Mrs Vandebilt est née dans les studios désossés d’EMI à Lagos, au Nigéria. Un choix étrange (voire suicidaire) pour un album censé relancer la carrière de l’ex-Beatle. Mais Paul voulait de l’exotisme, de l’inattendu, et surtout de la matière vivante. Il va être servi : électricité défaillante, climat oppressant, et une tentative de vol à main armée (véritable !), tout y est.
C’est dans cette atmosphère moite que naît le groove élastique de Mrs Vandebilt. La ligne de basse est hypnotique. La guitare rythmique (Paul encore) claque comme un fouet…
Un rire collectif, enregistré plus tard en studio à Londres, avec les ingénieurs du son et quelques copains de passage, clôt la chanson.
Funk, reggae et Monty Python
Musicalement, Mrs Vandebilt est une fusion joyeusement bancale. Le morceau démarre avec une guitare funk, mais glisse vite vers une ambiance reggae-pop détendue, avec des nappes de saxophone et des contretemps en sourdine. Howie Casey (encore lui) revient avec son saxophone moelleux, tissant un tapis sonore qui relie les Beatles aux studios de Kingston, sans escale.
Mais là où la chanson frappe fort, c’est dans son refus total du sérieux. Les paroles sont volontairement absurdes, semi-improvisées, avec des phrases qui ressemblent à des maximes mais qui ne veulent rien dire. Une sorte de faux Dylan passé au filtre des Monty Python.
"When your light is on the blink
You never think of worrying
What’s the use of worrying?"
C’est nonsense avec groove. Lennon avait ses cris primaux, Paul a ses calembours dansants. Chacun sa méthode pour survivre aux années 70.
Une chanson qui a dormi... avant de cartonner
Bien que Mrs Vandebilt n’ait pas été publiée en single au Royaume-Uni ni aux Etats-Unis, elle sort en 1974 en Europe et en Australie, avec Bluebird en face B. Mais elle ne fut pas une chanson très jouée en concert avant les années 2000. Trop étrange ? Peut-être.
Et pourtant, au fil du temps, elle est devenue une favorite des fans, notamment en Europe de l’Est. En 2008, un sondage lancé sur un site ukrainien la propulse en tête des morceaux que les fans rêvent d’entendre en concert. Touché par cet engouement, Paul McCartney l’intègre à la setlist de son concert gratuit à Kiev, la présentant même en ukrainien avec ces mots : « Nous avons été invités à jouer cette chanson ».
Depuis, Mrs Vandebilt s’est imposée comme un moment phare de ses tournées, dans une version live musclée, presque disco. Et chaque soir, le public hurle les "HO HEY HO!" comme un rituel païen.
Philosophie de bazar ? Peut-être pas tant que ça.
Derrière l’humour apparent, Mrs Vandebilt parle quand même d’un truc important : le lâcher-prise. Dans un monde qui s’effondre (rappelez-vous, c’est 1973, Nixon, la crise pétrolière, les punks en embuscade), Paul répond par le groove, le rire, et l’absurde.
La chanson est un antidote. Une prescription sans ordonnance. Un « stop making sense » avant Talking Heads. Et surtout, un rappel que McCartney, sous ses airs de gendre parfait, est aussi un maître de l’idiotie contrôlée. Celle qui fait mouche.
En résumé
Mrs Vandebilt, c’est McCartney, qui transforme le groove en farce. C’est funky, malin, bizarre, dansant et irrésistiblement joyeux. Bref, c’est Paul comme on l’aime : imprévisible et libre.

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