Paul McCartney - Jet : attachez vos ceintures
- L'Agent Secret des Chansons
- 9 mars
- 3 min de lecture

En décembre 1973, Band on the Run sort dans les bacs. C’est le troisième album des Wings, et le premier à vraiment marquer les esprits. Pourtant, McCartney ne voulait pas de singles. Trop conceptuel, trop parfait tel quel, cet album. Sauf qu’un certain Al Coury, stratège chez Capitol, n’est pas de cet avis. Il sent Jet. Il a raison.
Les radios américaines commencent à le diffuser, dans une version raccourcie non officielle. Paul, en tournée à Los Angeles, entend l’un de ces montages, pile en conduisant sur Sunset Boulevard. Colère noire. Il entre dans une cabine téléphonique (oui, nous sommes en 1974), et appelle son manager. Un mini-drame diplomatique. Mais l’histoire finit bien : le single est lancé, les ventes de l’album doublent en quelques jours aux États-Unis, et le titre atteint la 7ᵉ place des charts, aussi bien en Angleterre qu’aux USA.
Une tempête musicale
Dès les premières secondes, Jet déboule avec un riff ravageur, un son de batterie punché… C’est du rock, mais avec un soupçon d’excentricité pop… et une efficacité redoutable.
La section de saxophones, gigantesque pour l’époque, comprend jusqu’à quatre saxophones ténors (dont le vétéran Howie Casey), deux altos, deux barytons, un sopranino, et même un bass saxophone. Tony Visconti, responsable des arrangements, se souvient du casse-tête musical : il a fallu improviser, doubler, échanger les instruments. Résultat ? Un climax final foisonnant, explosif, jubilatoire.
Et Paul, pendant ce temps ? Il fait presque tout. Batterie, basse, chant principal, piano. Linda est au Moog et aux chœurs, Denny Laine à la guitare et au soutien vocal. Une dream team réduite après les départs houleux de Henry McCullough et Denny Seiwell. Et pourtant, c’est peut-être grâce à ce trio resserré que l’album est aussi solide.
Mais de quoi ça parle, au juste, Jet ?
Excellente question. Et réponse floue. Chez McCartney, les titres de chansons tiennent parfois de l’énigme. Martha My Dear était un chien. Jet ? Aussi. Ou pas. Ou peut-être un poney. À moins que ce ne soit une fille. Ses versions de l’histoire ont changé au fil des années… Le flou artistique dans toute sa splendeur maccartnienne.
Et les paroles, comme souvent chez lui, sont un collage d’images, de sensations, de phrases énigmatiques. On navigue entre soldats et suffragettes, entre balades romantiques à dos de moto et déclaration d’amour masquée.
Paul l’admet lui-même : il invente des mots, mélange des idées, laisse parler l’inconscient poétique. Et ça marche. On n’a peut-être pas toutes les clés, mais on a la porte ouverte sur une histoire intime qui résonne malgré tout. Une chanson d’amour codée, où Linda, sa muse, est omniprésente, entre les lignes.
Le titre qui a lancé Band on the Run
Band on the Run est un album enregistré en partie dans les conditions spartiates du studio EMI à Lagos, au Nigeria. Entre panne de courant, menaces, vol à la tire et crise de nerfs généralisée, rien ne semblait annoncer le chef-d’œuvre qu’il allait devenir. Et pourtant, c’est ce chaos qui a nourri la cohésion des trois membres survivants du groupe, et l’inspiration débridée de McCartney.
Jet, lui, fut enregistré un peu plus tard à Londres. Placé en deuxième position de l’album, il fait l’effet d’une déflagration après l’intro cinématographique du morceau-titre. Ce n’est pas juste un single : c’est un propulseur. Avec lui, l’album devient un triomphe transatlantique. Et pour les concerts à venir, Paul tient là un morceau d’ouverture idéal, presque une signature sonore.
Une vie après les charts
“Jet” est devenu un classique de McCartney sur scène. Depuis la tournée Wings over the World en 1975, jusqu’aux concerts de 2009, le morceau est un incontournable du live. Ce n’est pas un hasard : l’énergie qu’il dégage, la montée en puissance de son refrain, les chœurs “ooh ooh” irrésistibles, tout est fait pour emballer une foule.
Pourquoi on l’avait (presque) oublié ?
Peut-être parce que McCartney a tellement de classiques à son actif qu’un morceau comme Jet, aussi brillant soit-il, finit par être éclipsé par d’autres géants. Et pourtant, Jet coche toutes les cases : un tube immédiat, un son riche, une histoire pleine de digressions, et un McCartney à son sommet, aussi libre que joueur. Un vrai pur-sang du rock 70s, qu’on ferait bien de remettre en selle.

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