Bluebird – Quand Paul McCartney prend la tangente… avec une colombe dans la voix
- L'Agent Secret des Chansons
- 19 mars
- 3 min de lecture

En 1973, alors que Paul McCartney enregistre Band on the Run, il est littéralement en cavale. Les Wings, exsangues après le départ de deux musiciens à la veille d’un départ pour le Nigéria, n’ont plus qu’un cœur battant à trois : Paul, Linda et le fidèle Denny Laine. C’est donc avec cette formation de fortune, dans des conditions dignes d’un film de survie musicale, que Paul pond ce chef-d’œuvre d’album. Et parmi les diamants enregistrés à Lagos puis peaufinés à Londres, Bluebird fait figure de perle douce au milieu du tumulte.
Mais contrairement à d’autres titres de l’album, Bluebird voit le jour… au coin du feu, dans la campagne écossaise, guitare sur les genoux et Linda à portée de regard. Un moment de tendresse simple qui donne naissance à une chanson comme un poème d’amour.
Paul : « Bluebird est une chanson très paisible. Elle m’est venue alors que Linda et moi étions à la campagne. C’est l’idée de deux amants qui s’enfuient ensemble et deviennent des oiseaux. »
Bossa, basse et bleu du ciel : les secrets de fabrication
Bluebird commence comme un rêve tropical. Une bossa douce, des accords jazzy, et surtout, une voix de velours. Paul chuchote presque, comme s’il ne voulait pas déranger l’instant. Et puis il y a ce saxophone. On le doit au fabuleux Howie Casey, ami de Liverpool et saxophoniste attitré des Wings. Sa ligne mélodique vient fondre la chanson dans un bain de mélancolie.
Musicalement, McCartney joue ici la carte de l’épure : pas de solo flamboyant, pas d’orchestration tapageuse. C’est le groove qui parle, et le goût pour les harmonies vocales. Linda est omniprésente, dans les chœurs, dans l’esprit, dans le souffle de l’oiseau. Denny Laine est aussi de la partie, guitare acoustique et voix, tel un compagnon d’envol discret mais loyal.
Le morceau est très "studio", mais respire comme s’il avait été enregistré au bord d’un lac, les pieds dans l’eau. On est loin du rock rentre-dedans de Jet ou de la symphonie progressive de 1985. Ici, tout n’est que détente, promesse de voyage et amour assumé.
Des paroles simples, mais pas simplistes
"Late at night when the wind is still, I'll come flying through your door
And you'll know what love is for"
On est dans la ballade bucolique, mais il ne faut pas se laisser tromper par la douceur du ton. Bluebird est aussi une allégorie : celle de la liberté que donne l’amour, de la transformation amoureuse, quasi mystique. L’être aimé vous donne des ailes – parfois littéralement. Paul et Linda deviennent des oiseaux, s’élèvent, fuient les conventions, les attentes, les carcans du monde.
On retrouve aussi ce goût pour l’enfance et l’émerveillement. Paul n’a jamais caché son amour pour les images naïves, les paraboles simples qui touchent en plein cœur. C’est une chanson qu’on peut fredonner à un enfant… ou à une rockstar en convalescence émotionnelle.
Bluebird, le discret favori
Contrairement à Jet ou Band on the Run, Bluebird n’a pas été choisie comme single. Un peu trop douce ? Peut-être. Pas assez fédératrice pour les charts ? Sans doute. Et pourtant, elle est devenue l’un des titres préférés des fans. Macca lui-même lui accorde une place de choix dans ses setlists : Bluebird a été jouée régulièrement en live, notamment lors du Wings Over America Tour de 1976, où elle prend vie dans une version étoffée, encore plus sensuelle.
Elle figure aussi sur plusieurs compilations, comme Wingspan et Pure McCartney, preuve que le principal intéressé lui conserve une tendresse certaine.
Pour les amoureux du dimanche et les fugitifs sentimentaux
Bluebird agit comme une pause bienveillante dans l’album. Là où Band on the Run propose une aventure épique, Bluebird vous prend par la main et vous glisse : « Ralentis. Respire. Aime. »
Et au fond, n’est-ce pas ça, le plus rock des messages ? Paul l’a compris mieux que personne : ce sont parfois les chansons les plus silencieuses qui résonnent le plus longtemps.
Anecdotes à plumes :
Bluebird aurait été enregistrée à l’origine dans une version un peu plus dépouillée, avant que les cuivres et les chœurs ne viennent l’habiller d’une robe plus satinée.
La chanson est un rare exemple de ballade bossa-nova dans le répertoire de McCartney, et une preuve supplémentaire que le garçon de Liverpool ne s’est jamais contenté du rock 4/4.
L’image de l’oiseau bleu comme symbole du bonheur est très ancienne, mais Macca s’en empare avec une fraîcheur presque candide.
En résumé
Bluebird est une chanson d’amour aérienne, douce et envoûtante, qui prouve que Paul McCartney n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour émouvoir. Un joyau tranquille de Band on the Run, souvent éclipsé par les tubes de l’album, mais qui mérite plus que jamais une réécoute attentive – au casque, allongé dans l’herbe, ou dans les bras de quelqu’un qu’on aime.
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