Love’s Theme par Love Unlimited : l’instru qui a mis le feu au disco
- L'Agent Secret des Chansons

- 19 juil.
- 4 min de lecture

Alors voilà. On est au tout début des années 70, et la musique noire américaine est un immense terrain de jeu. On y trouve de la soul, du funk, des envolées orchestrales et beaucoup de groove. Et puis au beau milieu de ce décor sonore, un homme entend des violons dans sa tête.
Cet homme, c’est Barry White. Une voix de basse à faire trembler les murs, mais qui va révolutionner la musique de danse avec… un instrumental, tout en cordes romantiques.
Et cet instrumental, c’est Love’s Theme. L’un des tout premiers morceaux disco de l’histoire – sans que personne ne le sache encore. Si Girl You Need a Change of Mind d’Eddie Kendricks était la graine, Love’s Theme en est la tige brillante, luxuriante, qui monte tout droit vers la piste de danse. Oui en 1973, le disco pousse dans les violons.
Un morceau, trois vies (et une résurrection chantée)
Première apparition de Love’s Theme : 1973, sur l’album Under the Influence of... Love Unlimited, des 3 filles du groupe Love Unlimited. À ce moment-là, c’est un simple instrumental placé en début de piste A. L’idée était d’habiller un peu le disque avec une intro classe. Personne, même pas Barry White, ne pensait qu’un titre sans voix deviendrait un carton monumental.
Et puis, miracle. Des DJs tombent sur le morceau : Nicky Siano, David Rodriguez, le genre de types dont l’obsession est de trouver des perles. Ils posent la galette sur leur platine et là, l’effet est immédiat : la piste fond. Les danseurs fondent. Les lumières fondent. Même les glaçons fondent.
Puis, deuxième naissance en 1974 : le morceau ressort sur l’album Rhapsody in White, mais cette fois signé par le Love Unlimited Orchestra. Il s’agit en fait d’un album de Barry White, avec sa photo sur la pochette, comme s’il avait voulu se réapproprier la paternité du morceau (d’ailleurs la version originale de l’album des Love Unlimited est introuvable de nos jours). Love’s Theme sort enfin en single. Et là, boum : numéro 1 aux États-Unis. Premier instrumental disco à atteindre ce niveau. Un coup de foudre national pour une chanson sans paroles. Barry avait visé les hanches, il a touché les cœurs.
Enfin, en 1974, le morceau revient une troisième fois, sur l’album In Heat, à nouveau par le trio Love Unlimited – cette fois avec des paroles. C’est un peu comme si la chanson, d’abord instrumentale et planante, avait pris des vitamines. Moins mythique, mais toujours envoûtante.
Bref, Love’s Theme a connu plus de vies qu’un chat disco, et toutes plus glorieuses les unes que les autres.
Love Unlimited : les drôles de dames de Barry White
Avant d’être le groupe d’une chanson culte, Love Unlimited, c’est d’abord un sublime trio vocal.
La meneuse du groupe ? Glodean James. Petite particularité : elle est la future Madame White. Avec elle, sa sœur Linda James et leur cousine Diane Taylor. Un groupe 100% familial, 100% glamour.
Leur premier tube, Walkin’ in the Rain with the One I Love (1972), est une sucrerie soul avec, déjà, un petit message enregistré par Barry himself au téléphone, comme un cameo vocal avant l’heure. Le morceau fait un carton aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Mais c’est avec l’album Under the Influence of... Love Unlimited que le groupe décroche le jackpot. Classé n°3 des charts US, c’est la première fois depuis Diana Ross & The Supremes qu’un girl group grimpe aussi haut. Respect.
Un autre sommet arrivera en 1975 avec I Belong to You : un slow torride comme seuls les 70s savaient en pondre, premier (et unique) numéro 1 R&B du trio.
Après quelques albums sur le label perso de Barry (Unlimited Gold), le groupe se sépare en 1981. Diane Taylor décède quelques années plus tard, mais l’aura du groupe, elle, reste éternelle sur toutes les platines vintage.
Un slow... à 98 BPM
Love’s Theme, c’est un morceau bizarrement lent pour une piste de danse : 98 BPM. Mais c’est précisément ce tempo qui crée la magie : les danseurs flottent. Le groove est là, mais il caresse. La wah-wah ronronne, les cordes planent.
Et c’est cette esthétique — romantique, orchestrale, sensuelle — qui va donner à la disco ses lettres de noblesse, loin du cliché boum-boum à paillettes. Grâce à Barry White et à Gene Page, son arrangeur fétiche, on découvre qu’on peut danser le disco lentement, langoureusement. En d’autres mots : Barry White invente le groove pour adultes consentants.
Et maintenant ?
Aujourd’hui encore, Love’s Theme reste l’un des morceaux les plus samplés, repris, utilisés en habillage télé ou en fond de croisière romantique. La chanson a même servi d’hymne à la compagnie Cathay Pacific dans les années 80.
Alors, quand vous entendez ce crescendo de cordes suivi d’un groove soyeux, pensez à Barry. À ses cheveux gominés. À ses violons. Et à ces trois chanteuses qui ont enchanté les années 70 en chœur. Le disco naissait à peine, et déjà, il était amoureux.



Commentaires