Friends : la chanson qui lança Bette Midler dans le grand bain
- L'Agent Secret des Chansons

- 27 mars
- 3 min de lecture

Avant que Bette Midler ne devienne la diva flamboyante qu’on connait, il y eut les bains. Pas les thermes romains ni un spa luxueux, mais le Continental Baths, institution gay new-yorkaise des années 70 installée dans l’Ansonia Hotel.
C’est là, entre les vapeurs et les serviettes, que naît une des alliances musicales les plus improbables – mais aussi des plus réussies : celle de Bette et de son pianiste Barry Manilow. Oui, celui de Copacabana.
C’est dans ce décor pour le moins humide que la future Divine Miss M rôde son répertoire, se fabrique un public fidèle et rencontre les deux énergumènes à l’origine d’un morceau qui marquera sa carrière : Friends.
Le gang des doux dingues
Buzzy Linhart, c’est un folk-rockeur qui a fricoté avec Hendrix et Clapton. Moogy Klingman, lui, a coécrit des titres pour Carly Simon et bossé sur tout ce que la scène rock new-yorkaise comptait de cheveux longs et d’esprits libres. Quand ces deux-là pondent une chanson intitulée Friends, ils la destinent d’abord… à Tiny Tim, chanteur connu pour son falsetto et son ukulélé.
Mais lors d’une audition pour une comédie musicale improbable (nommée Uprise, une sorte de Hair version post-hippie psychédélique), Buzzy joue Friends à Bette. Coup de foudre immédiat. Elle veut la chanter. Au Continental Baths, évidemment. Et très vite, ce titre devient l’hymne non-officiel de ses spectacles – et de sa vie.
The Divine Miss M : une bombe à retardement
Nous sommes en 1972. Midler est encore une curiosité du circuit underground, mais les grandes manœuvres commencent. Atlantic Records flaire le potentiel. Barry Manilow co-produit. On lui colle le surnom de scène qui deviendra légendaire : The Divine Miss M. Et l’album éponyme voit le jour.
Le disque est un pot-pourri de styles – et de panache. Du swing rétro (Boogie Woogie Bugle Boy), des ballades poignantes (Hello In There), un zeste de provoc’ (Daytime Hustler), une reprise magistrale de Do You Want to Dance? en slow lascif… Bette y montre déjà qu’elle sait tout faire. Et qu’elle va tout faire.
Parmi ces morceaux, Friends est la petite bulle d’oxygène. Moins flamboyant qu’un bugle boy, moins dramatique qu’un Delta Dawn, mais ô combien sincère.
Une chanson pas si simple
Avec ses deux minutes cinquante, Friends semble être une bluette gentille sur l’amitié. Et c’est vrai. Mais c’est aussi, à sa manière, une déclaration de survie. Dans le contexte du Continental Baths, un lieu où beaucoup venaient chercher un refuge dans une société pas franchement accueillante, ce titre résonne comme un cri du cœur. C’est le besoin vital d’être entouré, soutenu, compris.
Midler l’interprète sans grandiloquence. Juste avec ce qu’il faut d’humour et d’émotion. Elle sourit, mais elle ne plaisante pas. Ce mélange de tendresse et d’ironie sera sa marque de fabrique.
Le morceau connaîtra deux versions sur l’album. La première, produite par Joel Dorn, est plus simple, plus brute. La seconde, arrangée par Manilow, prend son envol avec des chœurs luxuriants (merci les Harlettes, alias Melissa Manchester & co) et une orchestration plus appuyée. C’est cette dernière qui deviendra un mini-hit, gravera Friends dans le marbre du répertoire Midlerien et servira de générique à The Bette Midler Show.
Une chanson, un message, une époque
Friends, c’est aussi un marqueur temporel. Le début des années 70, ce n’est pas encore le disco bling-bling, c’est l’après-Woodstock. On se cherche encore. L’amitié est une valeur refuge dans un monde qui vacille entre libération sexuelle et crises existentielles. Et Bette Midler, au beau milieu de tout ça, offre une voix pleine de cœur, qui ne juge pas, qui accueille.
L’album entier est construit autour de cette ambivalence. Il est camp et sincère, drôle et poignant. C’est un manifeste queer avant l’heure, mais aussi un grand disque de pop au sens large. Il fait rire (Leader of the Pack), pleurer (Hello In There), danser (Boogie Woogie Bugle Boy) et aimer (Friends).
Et maintenant ?
Aujourd’hui, Friends est peut-être moins connue que certains tubes de Midler. Pourtant, elle reste un totem. Une chanson qu’on redécouvre avec émotion, surtout quand on connaît son histoire. Elle a été chantée dans les bains, puis dans les stades. Elle a vu passer les années sida, les marches des fiertés, les come-backs, les standing ovations. Toujours avec le même refrain, presque naïf, presque enfantin : "You gotta have friends".
Et si c’était encore la meilleure conclusion possible ?
Recommandation secrète : réécoutez Friends enchaîné avec Hello In There. C’est un aller-retour parfait entre l’espoir et la mémoire. Et ça vous dira bien plus sur Bette Midler que n’importe quelle bio officielle.
À suivre dans L’Agent Secret des Chansons : d’autres premières chansons, d’autres révélations, d’autres titres qui en disent long... sans en avoir l’air.



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