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France Gall – "Chasse-neige" : face B givrée signée Julien Clerc

Dernière mise à jour : il y a 5 jours


On ne sait pas si France Gall savait vraiment skier. Mais ce qu'on sait, c’est qu'en 1971, elle était prête à gravir l’Himalaya en bottines vernies, armée d’une cuillère à soupe. Non, ce n’est pas une blague. C’est Chasse-neige, face B d’un 45 tours oublié, où la neige fond sur un amour transi, version 70’s et mérite bien un article de l'Agent Secret.  

 

Casquette, clope et rimes givrées


Sur la pochette, exit la poupée de cire proprette. Casquette vissée, petites lunettes rondes, clope au bec. On est en 1971, l’époque change, les poses aussi. France Gall a l’air d’une figurante dans un road-movie de l’époque. La photo signée Odile Montserrat respire la décontraction, ou du moins sa mise en scène. Derrière ce look un peu bohème, c’est une artiste en pleine mutation qu’on devine. Moins docile, plus impliquée.

 

Caméléon, caméléon, la face A turbulente


Avant de parler équipement ménager sur neige verglacée, rendons hommage à la grande sœur de vinyle. Caméléon, caméléon, c’est l’ouverture du bal. Pas d’intro. Piano sec, réverb’ galopante, puis basse, guitare, des bongos qui s’invitent sans frapper, des cuivres qui déboulent comme une fanfare à 4h du matin. C'est France Gall qui cavale derrière un homme insaisissable. Julien Clerc ? On ne veut pas balancer. Mais le caméléon aime la liberté. Et les projecteurs.

 

Chasse-neige, la face B qui glisse dans le coeur


Puis vient Chasse-neige. Et là, changement de décor. On troque les cuivres pour une douceur décongelée. Un peu naïve, un peu lunaire. On pourrait se moquer, mais on ne le fait pas. Parce que cette chanson, mine de rien, elle vous reste collée comme une boule de neige qui ne fond pas dans le cou. Elle cache un pan entier de l’intimité de France Gall. L’amour, la persévérance, l’envie de tout affronter pour l’autre. Même la neige, même la montagne, même sans équipement.


"Avec une cuillère à soupe / Je déblaierais toute la route"


C’est beau comme un conte d’hiver à deux balles, mais chanté avec un tel sérieux qu’on y croit. L’héroïne de Chasse-neige n’est pas une warrior, c’est une amoureuse têtue. Elle patine sur du verglas sentimental, et elle y met du cœur.


 

Clerc au piano, Roda-Gil à la plume (et un peu dans les nuages)


Julien Clerc lui offre la mélodie. Roda-Gil pond les paroles. Les deux hommes forment à l’époque un duo explosif : Ce n’est rien, La Californie, Si on chantait… Leur formule magique : une musique accrocheuse + des textes faussement simples, bourrés d’images et de petits décalages.  Mais ici, le succès n’est pas au rendez-vous.


Peut-être parce que la chanson manque un peu de nerf. Et pourtant, France y met toute son honnêteté. Elle chante avec cette sincérité qui est sa marque de fabrique. Juste une fille qui dit : « Je t’aime, et je suis prête à tout, même à affronter les Alpes avec des couverts de cantine. »


Une période de transition


Ce disque chez Atlantic marque une parenthèse dans la carrière de France Gall. Elle vient de quitter La Compagnie, maison de disques en faillite. Bernard de Bosson, patron de la filiale française flambant neuve d’Atlantic, parie sur elle. Il veut relancer sa carrière, il lui offre une nouvelle équipe, un nouveau souffle.


Mais ça ne prend pas. Ce disque ainsi le précédent C’est cela l’amour se vendent mal. France, elle, sent que quelque chose ne colle pas. Elle rêve de retravailler avec Rivat et Thomas, ses auteurs fétiches, mais ils sont pris. Alors elle part, un peu frustrée, un peu perdue.


Bernard de Bosson dira plus tard : « Elle me devait encore quatre ans de contrat, mais je l’ai laissée partir. Elle m’a dit : “Tu verras, Bernard, je reviendrai.” » Spoiler : elle reviendra, et avec elle, Michel Berger. Et là, tout change. La déclaration d’amour, les tubes, la reconnaissance... Mais ça, c’est une autre histoire.


Une trace dans la neige


Chasse-neige n’a jamais connu le CD. Elle dort dans les recoins oubliés des bacs à vinyle. L’ancienne star yéyé n’est plus vraiment là, la future muse de Michel Berger pas encore arrivée.


Mais réécoutez Chasse-neige, même si elle gratouille un peu sur la platine. Laissez-la vous parler d’un amour obstiné, d’un courage naïf, d’un cœur qui ne se laisse pas geler. France Gall, même quand elle glisse un peu, reste toujours touchante. Parce qu’elle ne triche pas. Parce qu’elle ose l’amour sans panache, juste avec une chanson.

Et une cuillère à soupe.

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