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A Taste of Honey – Boogie Oogie Oogie : quand deux filles bottent les fesses du dancefloor


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Il y a des chansons qui vous attrapent par le col et vous traînent direct sur la piste, même si vous étiez juste venu au bar pour commander un Perrier rondelle. Boogie Oogie Oogie fait partie de cette catégorie : un groove élastique, une basse qui vous hypnotise, et un message clair : « Personne ne quitte la piste tant que je n’ai pas dit stop. »


Et ce n’est pas qu’un fantasme disco sorti d’un labo à tubes. Non, derrière cette ligne de basse devenue archi-connue, il y a une histoire de sueur, de bagarre musicale, et de revanche féminine sur fond de pantalons pattes d’eph’.


Quand les filles ne restent pas au micro


A Taste of Honey, c’est d’abord une anomalie des années 70 : un groupe mixte où les filles ne sont pas là pour tenir le triangle ou minauder derrière un micro. Non : Janice-Marie Johnson, joue de la basse et chante en même temps (et pas trois notes planquées derrière les cuivres : LA ligne de basse). Hazel Payne, elle, gratte sa guitare et envoie l’un des plus beaux solos de tout le disco. Autour d’elles, Perry Kibble aux claviers et Donald Ray Johnson à la batterie tiennent la baraque.


Cette attitude, elles la forgent loin des strass : tournées sur des bases militaires, mariages, boîtes de LA… Le genre de terrain où on apprend vite à capter un public qui n’a pas payé pour vous écouter. Jusqu’au soir justement où, sur une base militaire, face à une bande de bidasses un peu trop confiants, elles jouent… et voient à peine un pied taper. L’ego pique. Janice-Marie décide qu’elle leur écrira une chanson qui les forcera à bouger. Boogie Oogie Oogie est née comme ça : une gifle dansante pour les sceptiques.


Le bassisme joyeux


Écoutez cette intro : pas d’arrangements superflus, pas de cordes hollywoodiennes. La basse arrive, souple, autoritaire, sexy sans jamais tomber dans le clinquant. Janice-Marie n’a pas laissé un requin de studio refaire ses lignes : elle a tout joué elle-même. Et elle en est fière : au milieu du morceau, elle balance carrément « Listen to my bass now ! » — ce qui, dans le langage disco, veut dire « Écoutez bien, bande d’ingrats, c’est moi qui mène la danse. »


Hazel Payne, de son côté, dégaine une rythmique funk parfaite et un solo final qui tranche avec le cliché disco : c’est sec, nerveux, presque rock. On est plus près de Nile Rodgers que de Village People.



Mizell Brothers et miel sonore


L’album A Taste of Honey sort en 1978 chez Capitol Records, produit par les frères Mizell. Ces deux-là savent ce qu’est un groove : ils ont bossé avec Donald Byrd, The Jackson 5, Bobbi Humphrey… Ici, ils laissent respirer le groupe, évitant le piège du « mur de cordes » qui tue la basse. Résultat : un disque qui groove du début à la fin, mais qui se permet aussi quelques ballades et un ou deux faux-pas (on ne citera pas Disco Dancin’, on est là pour l’été, pas pour les disputes).


Boogie Oogie Oogie explose : numéro 1 pop, R&B et dance aux États-Unis — un triplé rarissime. Premier single platine de l’histoire de Capitol, plus de deux millions de copies vendues, et un Grammy Award du meilleur nouvel artiste en 1979. Et en France? Très petit succès : à peine 60 000 exemplaires (mais on a l’habitude)…


La chanson envahit radios, boîtes et même les salons — parce qu’en 78, on dansait aussi entre la table basse et le buffet. Le morceau devient un classique instantané, au point de traverser les décennies : BO de films (The Nice Guys, Contact, Barcelona…), séries (Pose), jeux vidéo (GTA IV: The Ballad of Gay Tony). Bref, impossible d’y échapper sans vivre dans une grotte.


Et après ?


Le groupe tente de surfer sur la vague : Another Taste en 1979, puis Twice As Sweet en 1980 avec une reprise de Sukiyaki qui cartonne à son tour. Mais la magie de Boogie Oogie Oogie ne se reproduit jamais. En 1982, Ladies of the Eighties marque la fin de la course : la mode change, MTV arrive, le disco prend un coup de vieux.


Perry Kibble disparaît en 1999, Donald Ray Johnson part jouer du blues au Canada, Hazel Payne devient actrice de théâtre, et Janice-Marie Johnson sort deux albums solo, tout en continuant de défendre son bébé disco sur scène. Elles se reforment en 2004 pour quelques shows nostalgiques qui prouvent que le groove, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas.


Pourquoi ça reste ?


Dans une époque où tant de tubes disco se sont évaporés, celui-là a survécu. Il résiste aux ironies hipsters, aux mix douteux des DJs de mariage, et même aux playlists Spotify où il côtoie Abba et Chic. La basse de Janice-Marie Johnson reste une leçon de groove. Hazel Payne rappelle que la guitare funk peut être une arme de séduction massive. Et le tout respire la joie, l’assurance et une petite pointe de défi.


Conclusion : ne jamais sous-estimer deux musiciennes décidées à faire danser une salle récalcitrante. Les militaires de 1978 l’ont appris à leurs dépens ; le monde entier a suivi. Si un jour vous croisez Boogie Oogie Oogie sur une piste, sachez qu’il n’y a pas d’exception à la règle : il faudra bouger, ou au moins taper du pied.


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