Chanson pour que tu m’aimes un peu : France Gall entre mélancolie et modernité
- L'Agent Secret des Chansons
- 26 mars
- 3 min de lecture

En juillet 1967, France Gall sort son 13e EP, un disque qui marque encore une transition dans sa carrière. Ce n’est pas tant par ses tubes que par l’évolution subtile de son style qu’il se démarque.
Un 45 tours sous influence britannique
Enregistré en partie à Londres sous la direction de David Whitaker, cet EP est en réalité le fruit d’un imprévu bien français : une grève des musiciens de studio. Comme d’autres artistes à la même période, l’équipe Gall doit traverser la Manche pour enregistrer avec des musiciens anglais, profitant au passage de l’effervescence musicale du Swinging London.
Sur la pochette, fini les poses figées et les mises en scène trop travaillées. France Gall apparaît naturelle, souriante, les cheveux dans le vent. Une image plus libre, à l’image d’un répertoire qui s’éloigne peu à peu du yéyé pur et dur.
Parmi les quatre titres du disque, on trouve l’incontournable Bébé Requin, un succès pop léger et pétillant, et Teenie Weenie Boppie, une hallucination musicale signée Gainsbourg sur les ravages du LSD. Mais au milieu de ces morceaux colorés, Chanson pour que tu m’aimes un peu tranche par sa mélancolie brute et son arrangement épuré.
Un virage folk-rock inattendu
Derrière ce titre aux allures de plainte amoureuse, on retrouve une composition signée Robert et Patrice Gall. Ici, père et fils livrent un morceau d’une sobriété étonnante. Pas d’arrangements orchestraux grandiloquents ni de mélodie accrocheuse. Chanson pour que tu m’aimes un peu, c’est une guitare sèche, des percussions discrètes et une ligne mélodique épurée. Loin des titres qui ont fait la réputation de France Gall, la chanson évoque presque le folk-rock américain. Par moments, elle rappelle même Jefferson Airplane, une comparaison inattendue mais qui prend tout son sens à l’écoute.
L’absence d’artifices met en avant la voix de France Gall, avec une interprétation retenue, presque douloureuse. C’est une chanson d’attente et de frustration, un blues adolescent qui parlera à tous ceux qui ont déjà connu ce sentiment d’être invisible aux yeux de l’être aimé.
Un disque entre pop psychédélique et fantaisie pop
Si Chanson pour que tu m’aimes un peu joue la carte de la sincérité et de l’émotion, les trois autres morceaux de l’EP sont plus contrastés.
D’abord, Teenie Weenie Boppie, écrit par un Gainsbourg en pleine période psychédélique. Le titre raconte l’histoire d’une jeune Anglaise qui fait un mauvais trip sous LSD… avant de finir noyée dans la Tamise. Une ambiance surréaliste qui rappelle Lucy in the Sky with Diamonds des Beatles. France Gall s’aventure ici sur un terrain plus audacieux. Mais ce sera la quasi fin de leur collaboration.
Autre registre avec Bébé Requin, qui deviendra le vrai tube de ce disque. Écrite par Joe Dassin, la chanson prend la métaphore d’un petit requin pour décrire un sentiment férocement amoureux. Son arrangement de trompette façon fanfare décalée et son ton léger en font un morceau emblématique du répertoire sixties.
Enfin, Made in France, qui clôt l’EP, est un clin d’œil amusé aux clichés anglais et hexagonaux sur un rythme enlevé.
Pourquoi réécouter Chanson pour que tu m’aimes un peu ?
Dans sa carrière, Chanson pour que tu m’aimes un peu reste un titre discret, éclipsé par les succès de la même période. Pourtant, il est intéressant et différent que ce qu'elle a enregistré avant.
Un morceau à part, qui montre une autre facette de la chanteuse… et qui nous rappelle que parfois, en musique comme en amour, il suffit d’un rien pour qu’on vous aime un peu plus.
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