L’Amour d’un garçon : quand Françoise Hardy flirte avec Bacharach
- L'Agent Secret des Chansons
- il y a 4 jours
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Vous avez peut-être déjà croisé ce 45 tours culte de 1963, orné d’une Françoise Hardy posant avec ce style “je m’en fous, mais avec grâce” qui deviendra sa signature. Le disque s’appelle L’amour s’en va, mais il contient une perle cachée, L’amour d’un garçon, en face B qui mérite qu’on s’y attarde.
Un 45 tours à double détente
Sorti au printemps 1963, L’amour s’en va n’est pas un simple disque, c’est un épisode entier de la grande série pop qu’est la vie de Françoise Hardy. D’un côté, une chanson triste et mélancolique, L’amour s’en va, qui portera les couleurs de Monaco au Concours Eurovision de la chanson. De l’autre, un trio de titres moins médiatisés : Je pense à lui, Comme tant d’autres, et L’amour d’un garçon. Et c’est justement cette dernière qui attire notre oreille aujourd’hui.
L’Eurovision : Monaco 1 - France 1, match nul
Quand Lucien Morisse, alors directeur d’Europe 1 et parrain radio de la scène yéyé, pousse Hardy sur la scène de l’Eurovision, elle est tout sauf enchantée. La chanteuse n’a que 19 ans et une peur bleue des projecteurs. Mais l’homme a une arme secrète : il promet de diffuser à l’antenne L’amour d’un garçon, la face B que Françoise affectionne. Promesse non tenue, évidemment. Bienvenue dans le showbiz, Françoise.
Mais tout ça n’empêche pas la magie d’opérer. Devant les caméras de la BBC, Hardy, droite dans sa robe noire, yeux de biche accentués au khôl, chante L’amour s’en va avec une classe quasi clinique. Elle termine cinquième pour Monaco, ex aequo avec Alain Barrière pour la France. Nana Mouskouri, elle, prend la dernière place. Comme quoi, parfois les lunettes ne suffisent pas.
L’amour d’un garçon : Bacharach à Paris
Ce qui distingue L’amour d’un garçon, c’est son ADN transatlantique. À l’origine, la chanson s’appelle The Love of a Boy, signée du duo magique Burt Bacharach et Hal David. Un slow doux-amer enregistré par Timi Yuro en 1962 – la petite fille à la grande voix, comme on l’appelait à l’époque. Une voix tellement soul qu’on la croyait noire. La chanson connaîtra aussi les faveurs de Dionne Warwick et même de Dusty Springfield dans des versions à frissonner.
Dans l’adaptation française, Françoise Hardy ne trahit pas l’intention originale mais l’infuse de sa patte : celle d’une jeune femme qui découvre l’amour, un monde à la fois excitant et effrayant. Le texte est simple, presque naïf : “L’amour d’un garçon peut tout changer / Je sais cela, car chaque caresse, chaque baiser / Ont fait de moi une femme”.
De la face B à l’album : Le Premier Bonheur du jour
Quelques mois plus tard, L’amour d’un garçon trouve refuge dans le deuxième album de Françoise Hardy, intitulé Le Premier Bonheur du jour (même si à l’époque, il n’avait pas de titre). Un disque sorti en octobre 1963, accompagné par les arrangements de Marcel Hendrix. Et là encore, Hardy alterne la carte de l’intime et celle des twists obligés.
Sur cet album, L’amour d’un garçon côtoie d’autres pépites comme Va pas prendre un tambour (signé d’un certain Jacques Dutronc à la musique, tiens tiens…), J’aurais voulu, ou encore L’amour ne dure pas toujours.
Ce disque marque un tournant : Françoise Hardy a gagné avec la Sacem et devient enfin autrice-compositrice-interprète à part entière. Elle écrit, elle compose, elle ose. Bref, elle pose les bases d’une pop française mature, sensible et surtout durable.
Un retour par la grande porte… du cinéma
En 2013, L’amour d’un garçon revient sur le devant de la scène grâce à François Ozon, qui l’intègre à la bande-son de Jeune et Jolie. Le film suit une adolescente qui explore la prostitution de luxe, et Ozon saupoudre son récit de plusieurs chansons de Hardy.
Dans la scène du dîner d’anniversaire, L’amour d’un garçon surgit comme un souvenir doux-amer, suspendu dans le temps. Ozon réussit à faire dialoguer la sensualité tranquille des sixties avec la turbulence du désir contemporain.
Conclusion : une chanson miroir
Et même si Françoise avoue dans son livre avoir rapidement délaissé cette chanson, il n’en reste pas moins que pour nous, L’amour d’un garçon est bien plus qu’un souvenir de face B : c’est un bijou discret, à porter au creux de l’oreille.
À réécouter de toute urgence, avec un thé noir ou un chagrin doux. Bonus points si vous avez un tourne-disque et une lumière tamisée.

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