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J’suis d’accord (ou pas trop) : Françoise Hardy, la face B de l’Histoire



En juin 1962, quand sort le tout premier super 45 tours de Françoise Hardy, personne ne se doute que l’histoire de la pop française est en train de s’écrire — ou presque. La maison de disques Vogue, elle, pense avoir trouvé la bonne combinaison : quatre titres dont trois dansants, légers, taillés pour les jeunes oreilles yéyé. Leur favori ? J’suis d’accord, un morceau mid-tempo aux accents twist et au refrain accrocheur. La voix de Françoise y est fraîche, le texte joue la carte de l’ambiguïté adolescente. Tout le monde valide. Tout le monde sauf… Françoise.


Et c’est là que ça devient rock.


Plutôt mourir que de faire la promo de ce titre, explique-t-elle en substance à son label. La raison ? Elle se voit déjà, raide comme une porte de placard, gesticuler devant les caméras sur ce titre dansant. Très peu pour elle. Elle mise tout sur Tous les garçons et les filles, une ballade mélancolique qui parle de solitude et qui lui ressemble beaucoup plus. Une chanson à contre-courant du paysage musical de l’époque, saturé de tubes festifs calibrés pour les surprise-parties. Un slow triste en face B ? La maison de disques dit non. Françoise dit encore plus non. Et elle l’emporte.


C’est peut-être la première grande victoire féminine dans le rock français.

 

J’suis d’accord : le manifeste de la fille sage… mais pas soumise


Derrière ses airs de chanson yéyé anodine, J’suis d’accord mérite tout de même qu’on l’écoute de plus près. Une jeune fille qui accepte le ciné, le twist, le rock, les sorties un peu folles… à condition qu’on n’aille pas trop vite. À 18 ans, Hardy pose un message de contrôle de son corps : on peut dire oui à la vie, sans dire oui à tout.


Un "non" féminin chanté sur un ton léger, c’était déjà subversif en 1962.


Dans le contexte de l’époque, les chansons sentimentales vendent une version idéalisée du flirt. Françoise, elle, écrit seule, sans avoir jamais vécu d'histoire d'amour, une ritournelle de résistance douce. Elle trace une limite, en toute simplicité. La chanson est courte, mais son message est net.



Le twist des coulisses


Petit histoire pour celles et ceux qui croient encore que le monde de la musique est un conte de fées : à ses débuts, Françoise Hardy ne sait pas lire la musique. Résultat ? Elle n’a pas pu être reconnue officiellement comme compositrice par la SACEM (qui exigeait de passer un examen). Et donc, elle n’a pas touché les droits de ses propres chansons – ni pour J’suis d’accord, ni pour Tous les garçons et les filles.


C’est Roger Samyn, un arrangeur belge inconnu suggéré par son directeur artistique, qui est crédité pour la musique et qui réalise les arrangements. Comme Françoise le racontera plus tard dans son livre "Chansons sur toi et nous", elle a composé ses mélodies toute seule, inspirée par les Shadows ou Cliff Richard. Le style Samyn, lui, est à l’opposé : rigide, scolaire, sans cette guitare fluide qu’elle imaginait. « Mécanique », dira-t-elle. Frustrant ? Évidemment. D’autant que Samyn, avec les années, s’attribuera sans complexe le mérite du succès (et en passant, cinquante années de royalties jusqu'à son décès). Il ira même jusqu’à affirmer qu’il lui a appris à chanter...

L'année suivante, grâce à Françoise Hardy, la Sacem modifiera ses conditions d'admission. Mais les chansons de ses trois premiers disques ne lui furent jamais pleinement attribuées.

 

Tous les garçons… tous les microsillons


Le succès de Tous les garçons et les filles est fulgurant. Contre toute attente. Contre l’avis de sa maison de disques. Contre le modèle du tube joyeux imposé par le yéyé. En six mois, deux millions d’exemplaires s’écoulent. Le titre devient un hymne générationnel. Et Françoise, un phénomène.


Et J’suis d’accord, dans tout ça ? Eh bien, il reste dans l’ombre. Doucement relégué derrière la star du disque. C’est l’autre facette d’une artiste en construction, qui cherche encore sa place entre le rythme imposé et la mélancolie choisie. Une voix douce, un peu distante, déjà pleine d’élégance et de lucidité. Une voix qui disait : « Je suis d’accord… mais pas à n’importe quel prix. »


Et pour ça, on lui dit merci.


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