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Diana Ross – Dark Side of the World : la première face B

Dernière mise à jour : 5 oct.


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Le 14 janvier 1970, au Frontier Hotel de Las Vegas, Diana Ross chante pour la dernière fois avec les Supremes, ce trio qu’elle a mené au sommet avec plus d’une douzaine de numéros 1. Le public pleure, et Berry Gordy, lui, prépare déjà la suite. Il veut la propulser seule sur le devant de la scène, chargée de prouver qu’elle peut régner sans ses Supremes.


Quelques jours plus tard, Diana entre en studio. On lui confie un duo magique : Nickolas Ashford et Valerie Simpson. Le couple, qui a déjà offert des pépites à Marvin Gaye et Tammi Terrell, doit inventer une nouvelle Diana — plus adulte, plus profonde.
En deux journées à peine, ils écrivent Reach Out and Touch (Somebody’s Hand), Keep an Eye, Something’s on My Mind et Dark Side of the World. Quarante-huit heures d’inspiration pure.


Berry Gordy voulait un premier single universel, rassembleur. Diana, marquée par la pauvreté qu’elle avait vue à Detroit, choisit Reach Out and Touch : un appel à la solidarité, une chanson pour dire « tenons-nous la main ». Un message d’amour et de paix, plein de bonnes intentions.


Le single sort en avril 1970. Il deviendra l’un de ses titres fétiches, souvent repris en concert dans des moments d’échange avec le public. Mais à l’époque, le succès reste tiède : la chanson plafonne à la 20e place du Billboard. En face, les nouvelles Supremes cartonnent avec Up the Ladder to the Roof. Et si Diana Ross n’y arrivait pas sans son trio ?


Pendant que la presse s’interroge, une autre chanson sommeille de l’autre côté du disque : Dark Side of the World. Un titre quasi inconnu de sa discographie, que j’ai redécouvert récemment avec bonheur.


Le côté obscur du 45 tours


Dark Side of the World est une chanson de rupture, de désespoir élégant, typiquement Motown. Valerie Simpson dira plus tard que leurs chansons étaient « universelles » : tout le monde a connu ce moment où la lumière s’éteint, où l’on se retrouve seul dans la nuit à pleurer un amour disparu.


Musicalement, c’est une petite merveille : des cordes aériennes, des choeurs feutrés, un tempo doux, et cette basse typiquement Motown qui donne à la mélancolie un discret groove. On y perçoit l’ombre de Marvin Gaye (qui avait enregistré le titre, resté inédit à l'époque) et le souvenir des Velvelettes, qui l’avaient chanté sous le nom de Bring Back the Sunshine.


Ashford & Simpson en ont fait un écho intime d’Ain’t No Mountain High Enough, la chanson qui suivra et fera d’elle une star solo. Peut-être que Dark Side of the World, titre efficace et qui a bien passé les années, aurait pu avoir un destin plus… ensoleillé.



Un premier album riche


L’album Diana Ross sort en juin 1970. On y retrouve Ain’t No Mountain High Enough, futur numéro 1 mondial, et Dark Side of the World, discrètement reléguée en dernière piste.


Le disque s’ouvre sur l’humaniste Reach Out and Touch et se ferme sur une supplique désespérée. Entre les deux, neuf titres qui esquissent les contours de la nouvelle Diana Ross.


Ce qui frappe dès la première écoute, c’est la maîtrise d’Ashford & Simpson. Chaque morceau révèle une facette différente de la chanteuse : la meneuse (Ain’t No Mountain High Enough), la romantique (You’re All I Need to Get By), la femme libérée par l'amour (Now That There’s You), la chanteuse Motown (These Things Will Keep Me Lovin' You) et enfin, l’âme solitaire (Dark Side of the World).


On dirait presque un autoportrait musical.


La pochette : retour à l’innocence


Avant même d’écouter la première note, Diana Ross surprend d'abord par sa pochette. La photo, signée Harry Langdon, montre une jeune femme presque enfantine. Diana y apparaît cheveux courts, en short coupé, T-shirt simple, une pomme à la main, le regard rieur tourné vers le ciel.

Langdon voulait revenir à l’essentiel, effacer les artifices du show-business pour retrouver la fille de Detroit derrière l’icône Motown. Quand Berry Gordy, stupéfait, l’interrogea sur le sens de cette séance, le photographe répondit qu’il voulait montrer « Diana telle qu’elle est pour son propre peuple, ceux des quartiers populaires qui ne peuvent pas aller la voir en concert mais achètent ses disques. Ici, elle leur ressemble. »

Des années plus tard, en 2007, elle confiera que cette pochette restait sa préférée, sans doute parce qu’elle capture le moment précis où la star cesse de jouer un rôle et redevient simplement elle-même.


Diana, la lumière et l’ombre


En 1970, Diana Ross se tient à un tournant. Elle vient de quitter un groupe mythique, affronte un public partagé et des critiques sceptiques. Berry Gordy, toujours à la manœuvre, rêve d’en faire la version féminine de Sinatra : une star totale, capable de tout chanter.


Elle n’a pas encore la grandiloquence des années Mahogany, mais déjà cette manière unique de rendre la détresse élégante. Et c’est là qu’elle devient vraiment pop, parce qu’au fond, la pop n’est souvent que cela : un chagrin bien mis en forme.


Dark Side of the World restera un bijou discret, niché au revers d’un 45 tours, où la star naissante se met à nu.


Et quand elle chante "Don’t leave me here on the dark side of the world", on devine qu’elle n’a rien à craindre : l’obscurité, chez Diana Ross, a toujours su rimer avec élégance.


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