Mariya Takeuchi : la femme derrière Plastic Love
- L'Agent Secret des Chansons
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Dernière mise à jour : il y a 3 jours

Ce 100ème article de l’Agent secret des chansons nous emmène au Japon, à la découverte d’une chanson oubliée, puis retrouvée 30 ans plus tard, et qui à présent ne quitte plus nos playlists. En somme, exactement ce qu’on aime pour cette édition particulière.
Mariya Takeuchi naît en 1955, dans un ryokan familial du Shimane, un de ces hôtels traditionnels japonais où les tatamis grincent doucement sous les pas. Elle y grandit, bercée par les vinyles du monde entier, un pied dans le classicisme nippon, l’autre dans les harmonies californiennes. Très vite, elle joue du piano, de la guitare, et se retrouve propulsée en Illinois pour une année d’échange — le genre d’expérience qui vous inocule à vie le virus du groove anglo-saxon. De retour au Japon, elle entre à l’université Keio, où elle brille autant en anglais qu’en composition.
Fin des années 70, elle signe chez RCA. Enchaîne les albums. Devient un des visages de la pop japonaise. Et en 1981, au moment où tout le monde s’apprête à la sacrer reine des charts, Mariya prend une pause, se fait plus discrète… pour mieux se réinventer. Et accessoirement, épouser le pape du studio Tokyopop : Tatsuro Yamashita, cerveau, arrangeur et producteur de génie.
Variety : retour gagnant, baby
En 1984, Mariya revient, le sourire au coin des lèvres et un bébé dans les bras. Elle signe entièrement Variety, un album qui porte bien son nom : un peu de jazz, un peu de funk, un soupçon de soul, le tout nappé d’arrangements aux petits oignons — tous concoctés par Yamashita, évidemment. C’est précis, c’est moelleux, c’est élégant comme une soirée d’été sous les néons de Ginza.
Parmi les perles du disque : Let’s Get Married, One Night Stand… et ce titre discret en deuxième piste, ce morceau qui semblait juste là pour boucher un trou. Et pourtant. Plastic Love.
Plastic Love : groove en velours, cœur en miettes
Ça commence comme une balade disco un peu chic. Rien d’étonnant. Sauf qu’au fil des mesures, on sent un parfum étrange. Une mélodie douce, oui, mais des paroles acides. Une femme blessée qui se rêve magicienne de l’oubli. Elle danse, s’habille, collectionne les rendez-vous comme on feuillette des catalogues. L’amour ? “Juste un jeu, faut savoir s’amuser” dit-elle.
Mariya chante avec distance, mais pas froideur. Elle est celle qui pleure en silence au fond d’un taxi de nuit, pendant que le chauffeur allume la radio sur un vieux morceau. Le genre de chanson qu’on croit légère et qui peut vous mettre les larmes aux yeux à la troisième écoute, même si on ne comprend pas le japonais...
Et ce refrain qui revient comme une ritournelle maudite : “I’m just playing games, I know that’s plastic love…”.
L’échec qui a pris sa revanche
À sa sortie en 1985, Plastic Love fait un flop. 86e au classement Oricon. Un anonyme de luxe. Et puis un jour de 2017, un DJ inconnu, un remix amateur, un algorithme bien luné, et boum. YouTube s’emballe, le monde découvre Plastic Love. Trente ans après sa sortie, le titre devient viral. Le genre de viralité lente mais tenace.
Des millions d’écoutes. Des remixes à la pelle. Des couvertures de magazines. Et même un clip sorti en 2021 (sans Mariya), 35 ans plus tard. Et à présent, le titre est reconnu comme l'emblème de la "City pop".
Mariya Takeuchi : chanteuse fantôme, star totale
Mariya Takeuchi, c’est l’artiste discrète qui ne cherche pas la lumière mais l’attire quand même. En plus de sa carrière solo (16 millions de disques vendus, quand même), elle a écrit pour les plus grands noms de la pop japonaise. Parolière douée, mélodiste précise, elle traverse les décennies comme une étoile filante qui aurait décidé de prendre son temps.
En 1994, elle sort Impressions, compilation monstre vendue à 3 millions d’exemplaires. Et en 2020, elle décroche un numéro 1 à 65 ans. Un petit record tranquille. Entre-temps, elle a élevé une fille, géré un hôtel, et continué à bosser avec Yamashita. Un duo discret, mais redoutable.
Mariya & Tatsuro : le tandem au fond du mix
Derrière chaque grand disque de Mariya, il y a ce duo d’artisans. Elle écrit, il arrange. Elle chante, il contre-chante. Le résultat ? Des chansons légères mais solides.
Dans Plastic Love, tout est à sa place. La basse ondule, les cuivres respirent, la voix glisse. On ne sait plus si c’est du funk, de la soul ou du jazz soft, mais on sait que c’est bon. Et c’est tout ce qui compte.
Tokyo by night
Écouter Plastic Love, c’est s’inventer une vie de nuit, à moitié romancée. On se voit soudain marcher sur une avenue japonaise en 1984, costume blanc cassé, Walkman à la main. Le synthé pulse, la ville brille, et quelque part entre deux cocktails et une rupture, le cœur hésite.
C’est ça, le tour de force de la chanson : faire croire qu’on a vécu quelque chose qu’on ne connaît pas. Rendre universel un vague chagrin bien stylé.
Pourquoi elle est dans mon top 5
Je l’ai découverte en 2021, comme tout le monde, un peu par hasard. Le genre de morceau qui ne vieillit pas, qui garde un goût unique. Depuis, je l’écoute régulièrement.
Plastic Love, c’est une mélodie qui s’infiltre, une voix qu’on croit distante et qui finalement touche juste. C’est peut-être ça, la vraie city pop : le mélange improbable de la technique, du groove précis et du cœur.
Alors pour ceux qui n’ont pas encore cédé, ce n’est pas grave : cette chanson vous attend. Elle continue de tourner, là, quelque part, prête à vous happer quand vous serez d’humeur. Avec son sourire en coin. Et sa basse bien ronde.
Mariya Takeuchi chante Plastic Love en 2000 :
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