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Sheila – Du côté d’où viendra le jour : le virage baba cool de 1969

Dernière mise à jour : il y a 3 jours



Il fut un temps pas si lointain où Sheila et ses complices de la génération yéyé dictaient les lois. Trois accords, une frange, une minijupe : il n’en fallait pas plus pour faire trembler les transistors. Mais voilà, 1968 est passé par là, avec ses pavés, ses slogans, ses guitares désaccordées. Et dans ce monde post-Mai 68, même Sheila – qui n’a pourtant que 24 ans – commence à faire un peu datée.


Nous voici donc en 1969. Sheila porte des robes baba cool, des colliers peace & love, et chante la lumière, l’amour universel, les lendemains qui chantent. Non, elle n’a pas perdu la tête. Elle essaie juste de suivre le mouvement, et prend littéralement le chemin Du côté d’où viendra le jour.


Une chanson née d’un virage


Du côté d’où viendra le jour sort le 3 novembre 1969, sur le 45 tours Oncle Jo. Ce n’est pas le titre vedette – celui qui fait le show à la télé, c’est bien Oncle Jo, notamment grâce à un duo mémorable de claquettes avec Henri Salvador, diffusé le 26 décembre dans Salves d’Or sur l’ORTF.


Mais pour moi, c’est justement cette chanson discrète qui mérite qu’on s’y arrête. Ce n’est ni un tube, ni une chanson culte. C’est une tentative d’attraper quelque chose de l’époque.


Un texte qui regarde vers l’aube


Le texte est signé Pierre Cour (co-écrit avec Plante et Carrère). Il parle de partir, de chercher ailleurs un monde où l’amour serait la norme, où les gens seraient enfin fraternels, où la misère aurait disparu. Sheila s’adresse à un ami – peut-être à nous – et propose de partir ensemble “du côté d’où viendra le jour”. On est en plein dans l’après-68 peace and love.


Petit arrêt sur Pierre Cour. Son nom vous dit peut-être quelque chose : il a signé des tubes pour Richard Anthony, Marie Laforêt, Dalida... et aussi deux des titres les plus emblématiques de l’Eurovision : Tom Pillibi (gagnant en 1960) et L’amour est bleu pour Vicky Leandros en 1967.


Cour, c’est un parolier à l’ancienne. Doux, parfois lyrique, il avait déjà collaboré avec Sheila sur Love Maestro Please, repris plus tard par Nicole Croisille. Avec Du côté d’où viendra le jour, il livre un texte simple, pas révolutionnaire, mais bien dans l’air du temps.


Une variété psychédélique à la française


Côté musique, on ne parle pas des Pink Floyd ou de Procol Harum. Mais il y a un vrai effort pour aller vers autre chose. Les orchestrations flirtent avec des nappes de cordes, des cuivres, des échos vocaux. C’est soigné. Jean Claudric, fidèle aux manettes, cherche clairement à faire évoluer le son de Sheila.


On retrouve cette ambiance dans La Colline de Santa Maria (sortie l’été 69) ou Le Soleil est chez toi (sur le disque suivant). Un petit triptyque hippie à la française, qui montre que Sheila et son entourage ont vraiment essayé de coller à l’époque.


Quand les yéyés deviennent suiveurs


Disons-le clairement : en 1969, Sheila et les ex-yéyés ne sont plus à l’avant-garde. La fraîcheur spontanée de 1963, c’est du passé. Il faut s’adapter. Johnny chante San Francisco et Jesus Christ, France Gall sort Chanson indienne, Delpech prend le ferry pour l’île de Wight. Sheila, elle aussi, suit le courant. Et elle l’assume.


Dans une interview bien plus tardive, elle le dit sans détour :

« L'après 1968 a été compliqué pour tous les yé-yé finalement. C'était l'époque de Woodstock, des hippies. Nous, on a pris un petit coup de vieux. C'est pour ça aussi que l'on a changé de look, que j'avais mes robes baba cool et Johnny ses colliers de fleurs. On a essayé de suivre la vague.»


Et c’est ce qu’elle fait ici. Ce 45 tours, c’est un vrai laboratoire. Oncle Jo joue la carte Nouvelle-Orléans, cuivres inclus. Une petite pensée pour toi, autre face B, reste dans l’ambiance psyché. C’est un peu foutraque, oui, mais c’est vivant. Carrère et Sheila ne restent pas figés et tentent des choses.


Une chanson oubliée, mais pas anodine


Du côté d’où viendra le jour n’a pas laissé de grande trace. Pas de télé, pas de compilations. Mais elle raconte un moment précis. Un moment où tout change. Où l’époque exige du neuf. Et où, pour rester, il faut essayer...


Alors pour les curieux, les nostalgiques, ou ceux qui aiment les sentiers oubliés de la variété française, faites un détour par ce titre. Et qui sait ? À force d’écoutes discrètes et de réhabilitations tendres, le jour viendra pour lui aussi.




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